Ça y est, aujourd’hui, le Parlement de Westminster a voté l’accord de retrait du Royaume uni de l’Union Européenne : le « Brexit bill ».
La sortie aura bien lieu le 31 janvier prochain même si le parlement Européen doit encore ratifier ; une formalité.
L’essentiel n’est plus là. La Loi qui vient d’être votée ne fait que sanctionner le retrait du Royaume Uni des institutions européennes ; elle ne définit pas les conditions du voisinage futur.
Ces conditions seront dessinées par la négociation qui s’ouvrira en février et dont les préliminaires ont commencé à s’écrire .
D’un point de vue « européen » la posture britannique est très agressive.
Le résultat des élections autorise le Premier Ministre à enfermer les discussions dans un délai total de 11 mois. De facto, compte tenu de l’immensité du sujet (600 traités à renégocier) ce court délai conduit à une négociation générale séquencée par thème ; méthode supposée favorable aux britanniques.
Le gouvernement de sa Majesté a engagé une manœuvre – un classique- visant à diviser les Européens en ouvrant des discussions « informelles » avec les Etats européens -comme la Hongrie- supposés « maillons faibles ».
Il s’appuie aussi sur une administration Américaine plus anti-européenne que jamais.
Et, premier paradoxe, l’atmosphère de Londres est irrationnellement à l’optimisme, les européens ayant depuis toujours accepté les exigences britanniques. Il n’y a pas de raison qu’il n’en soit pas de même aujourd’hui.
Sur le fond premier ministre est affranchi des contraintes relatives aux sujets sociaux, environnementaux, et règlementaires réduisant les chances de bâtir une relation future étroite et équilibrée. C’est le fameux « having the cake and eat it » soit en français « le beurre et l’argent du beurre ».
En excellent politicien il soigne à grand frais l’électorat populaire, affronte le gros sujet écossais ; tutoie soigneusement celui de l’ Ulster en agissant pour une restauration d’un gouvernement local et en évitant soigneusement les sujets brûlants comme les définitions de frontières entre l’Ulster, la République d’Irlande et la Grande Bretagne.
Les quelques déconvenues rencontrées avec l’Australie ou la Nouvelle Zélande ne l’alarment pas ; Boris Johnson croit dans son étoile, Rule Britannia.
En face, nous les Européens, n’avons que bon sens et cohésion.
L’un comme l’autre peuvent disparaître dans le fil des succès séculaires britanniques, semeurs de divisions sur le continent.
En dépit de la structure institutionnelle bancale de l’Union Européenne, le Brexit conjugué à une situation internationale extrêmement tendue, appelle plus que jamais la construction d’ une puissance Européenne.
Paradoxe supplémentaire, à court terme, cette puissance pourra difficilement se priver des britanniques.
Raison de plus pour ne pas laisser le Royaume Uni, ou ce qu’il en restera, constituer- avec ou sans le soutien de son suzerain américain- un Etat corsaire en face de nos côtes.
En résumé, il est clair que depuis la chute du mur, l’occident n’a jamais accumulé autant de risques et d’incertitudes.
Un Brexit mal maitrisé dans sa phase 2020 ajouterai une couche de désordre au chaos actuel.
Le pire n’est pas certain, mais la profonde division de la société britannique entre pro et anti-brexiteers ; les grands risques d’éclatement du Royaume (Ulster, Ecosse) , les excès, rationnels ou non des tiers pays comme la Russie, la Chine, les Etats Unis ou l’Europe, peuvent réveiller les passions et les haines.
La société civile britannique, sous narcotique depuis les élections de novembre, peut être prompte à se désorienter à nouveau et priver notre Europe d’un cousin mal aimé mais nécessaire.
Bon courage Ursula et Michel.
Pierre Brousse
Paris le 9 Janvier 2020