Vues sur le Brexit

Pierre Brousse

Voici trois ans, Le Royaume uni, à l’exception de l’Ecosse et de l’Irlande du nord, a voté pour le Brexit.

Néanmoins le résultat global fut net 52/48.

Le peuple a voté xénophobe ; l’élite a voté pour récupérer le pouvoir dans l’économie.

En résumé le peuple a dit :« dehors les polonais », la gentry a dit : « dehors les européens et américains qui ont confisqué notre contrôle sur la City ».

La période qui a suivi a été extrêmement chaotique, particulièrement du fait d’une classe politique britannique incapable d’assumer la binarité simple, profonde, évidente, dérangeante, provocante et médiocre d’un vote procédant d’un électorat inapte, dans son immense majorité, à mesurer la transcendance historique et les conséquences pratiques de son choix.

La vérité est que, contrairement à la démonstration de désordre administrée par le gouvernement et les Communes au cours des derniers mois, le rôle d’une élite dirigeante est de marquer un dessein pour la collectivité, de s’y tenir, et de le réaliser.

Le talent, la force, la réussite de Boris Johnson est bien là. Il a su donner à une idée hasardeuse et compliquée une chair ferme qui lui permet de gagner les élections de manière brillante avec un mandat clair et tranché : « Get Brexit done ».

Quoi qu’on en pense ou en dise, cela emporte l’idée d’une rupture nette avec l’Union Européenne ; presque incompatible avec l’idée d’un soft Brexit .

Cela veut dire que la satisfaction de l’opinion se mesure et se mesurera en fonction de la réalisation d’un objectif, à court terme. Reprendre le contrôle de nous-même , sans analyser les conséquences futures de ce choix.

En effet on ne se coupe pas d’un hinterland, avec lequel on effectue plus de la moitié de ses échanges, et que l’on a forgé au cours du demi-siècle précédent, sans écarter l’idée de subir un choc économique et social très violent à la sortie.

Ensuite, on ne s’adresse plus à l’électorat populaire comme dans la première partie du vingtième siècle sur des dérivées idéologiques marxistes léninistes qui captaient le vote prolétaire en lui donnant une légitimité sacrée , celle du rôle nécessairement dirigeant de la classe ouvrière.

Aujourd hui, en Europe occidentale il n’y presque plus de prolétaires ni d’ouvriers. Le vote de la working class de l’ex « red wall » du nord de l’Angleterre n’est pas un vote économique ou de classe, c’est un vote identitaire. Il répond seulement à l’interrogation suivante : qu’allons-nous devenir dans ce monde qui ne nous veut pas, et que nous n’intéressons pas ou peu ?

C’est pourtant ce vote populaire-là qui a donné une majorité écrasante aux Tories.

La compréhension subtile et également démagogique du peuple dont a fait preuve Boris Johnson*, cosmopolite -raffiné*-de l’upper class doit être méditée.

Parce que contrairement aux apparences les arguments développés par les Tories n’ont pas été scandaleusement populistes ; ils sont astucieusement démagogiques.

Plus généralement, ce résultat des élections britanniques clarifie une mécanique démocratique représentative obscurcie par un recours au référendum qui a, un moment, dépouillé le parlementarisme de sa légitimité. Il restaure le rôle gouvernant du Parlement britannique qui en l’ espèce va remplir son unique office : exécuter la volonté du peuple.

Tout ceci ne veut pas dire que :

Le Brexit ne sera pas la cause d’un éclatement du Royaume Uni ;

Les conséquences économiques de la sortie de l’Union ne seront pas sévères particulièrement pour les plus humbles ;

l’ Union Européenne restante en sortira indemne économiquement et politiquement ;

Le joli rêve de restauration d’une République marchande sur les bords de la Tamise et au cœur de l’Angleterre verra à nouveau le jour.

Nous verrons bien.

Pierre Brousse

Le 17 12 2019

NDR

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  • Point de vue misérablement continental

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