Ad nauseam
Sur notre belle planète, presque partout, les médias « généralistes » nous portent la soupe au covid. Manque d’imagination, simple arbitrage coût/chiffre d’affaire, ou plus simplement le reflet des passions de la clientèle.
En tout cas, pour la recherche de « vraie connaissance » : pas bon.
On cherche souvent désespérément un Patrick Guennifey capable de transmettre un savoir accompagné d’une analyse percutante et nuancée.
La pandémie et les vacances font office de hardes qui masquent les évolutions de notre monde qui pourtant, lui aussi, réclame une action politique.
Les intérêts des peuples ne se résument décidément pas à la lutte contre une pandémie.
Sur l’essentiel, les pays qui vivent et partagent nos valeurs démocratiques doivent non seulement affronter les changements d’organisation sociale qui découlent de l’évolution technologique, mais aussi les nécessités de faire face au changement climatique. Les dictatures, elles, iront au plus simple comme d’habitude.
Discourir ad nauseam sur l’interêt de porter un masque pour contenir la contamination est, bien que pratique, très contre-productif.
Migrations climatiques
La crise des réfugiés en Europe est un phénomène climatique.
Cet été, les traversées de la Manche se poursuivent à rythme exceptionnellement soutenu.
Les anglais sont furieux contre leur « garde-frontière » : les français, qui réclament encore et encore l’argent !
Sur tout le globe, des centaines de milliers de jeunes gens quittent leur pays pour trouver une autre vie supposée meilleure dans un autre pays, en général plus riche que le leur.
Ce mouvement de désespoir est l’occasion de tous les trafics et tous les chantages.
On ne parle pas ici des passeurs marchands d’esclaves qui font payer la cargaison et non pas son maître.
On parle des États qui bâtissent des pans entiers de leur politique sur le chantage migratoire vis-à-vis de leurs voisins.
On parle aussi des politiciens qui dans les pays d’accueil fondent leur succès, pas seulement sur la xénophobie, mais aussi sur l’ambiguïté qui réside dans la défense de nos principes humanistes (auxquels nous ne pouvons déroger sans nous renier) et le respect de la Loi qui régit la circulation des étrangers.
A cet égard l’attitude américaine est « flexiblissime ». Cette grande démocratie, pays d’émigration qui distingue droit au travail et droit de résidence et qui de facto ne reconnait plus le droit du sol, a bâti, en matière d’immigration, une immense hypocrisie.
Ce cynisme visible auquel nous, Européens, n’avons malheureusement pas beaucoup à envier, nous condamnera à « sortir de la (même) ambigüité à notre propre détriment ».
Et pourquoi ne pas assumer en face nos déséquilibres démographiques vis à vis de nos voisins.
Les japonais réussissent assez bien dans ce jeu.
Ne pas les suivre nous condamne à accepter les chantages, entre autres, d’Erdogan et d’Orban.
Nous, Européens, occidentaux, préférons donc une position illisible à des postures moins « intégratrices » presque xénophobes.
Démocratie et Dictatures
A revoir les films qui mettent en scène Mussolini, Hitler, Erdogan, Loukachenko, Xi Jinping, Tchang Kai Tchek, Poutine, Kadhafi ou Castro, on est presque toujours frappé par le ridicule et parfois même la vulgarité des postures.
Ce n’est pas un hasard, leurs soutiens attendent cela de leurs leaders ; plus le comportement est de premier degré, on pourrait dire animal, plus il est lisible par des crétins acculturés.
Nous vivons aujourd’hui dans le glissement vers la valeur « dictature et agression ».
L’esprit Munichois malheureusement progresse.
L’attitude de la Chine en Mer de Chine, à Hong Kong, vis-à-vis de Taiwan est, sur le plan du droit international intolérable. Tandis qu’au Xinjiang [1], pour ne pas parler du Tibet, elle est fondamentalement inacceptable pour les démocrates.
La posture agressive de la Turquie en Syrie, à Chypre, en Thrace, en mer Égée, en méditerranée orientale et vis-à-vis de son traité fondateur relève du même type de bluff que celui qui a fait capituler Chamberlain et Daladier.
La Russie qui a, intelligemment et à l’économie, gagné la guerre de Syrie continue de fomenter la guerre au Donbass, ne cède rien sur la Crimée et poursuit des actions de déstabilisation de ses voisins.
Le Kremlin ne conçoit pas autre chose qu’une permanence de son système dictatorial qui trouve sa justification dans une supposée « incompréhension méprisante » des démocraties ; particulièrement les européennes, qui seraient toujours les vielles débitrices de la deuxième guerre mondiale.
Tous ces degrés d’agressivité sont différents ; il est cependant frappant de constater que nul n’a défini, ni ne propose de riposte coordonnée, intelligente, à court et long terme.
Plus grave, cette impasse s’articule avec une vacuité politique vis à vis des urgences climatiques, environnementales et, des degrés de développement comme de l’état et des évolutions pressenties de la science et la technologie. Greta Thunberg a tort, les dirigeants et les élites connaissent le diagnostic, les remèdes sont clairs et brutaux ; ce sont les peuples, tous les peuples qui n’en veulent pas
Elle est bien là notre faillite collective ; et si l’Europe s’exerce, pour la première fois à une vraie solidarité -matinée d’égoïsme- très prometteuse, elle reste sans raison un Gulliver enchaîné sur la scène internationale.
Il nous faut un autre Traité européen couvrant le militaire et le diplomatique.
Inventons une gouvernance démocratique construite sur les contributions de chacun. Une Diète qui nomme et contrôle un exécutif collégial ; une armée efficace et disciplinée ; des diplomates de bonne qualité missionnés autour d’objectifs transparents, explicables et conformes autant que possible à nos principes démocratiques.
Sans cela nous sommes condamnés à la non-existence politique de la Hanse vieillissante ou des villes italiennes du moyen âge, désertées de leurs richesses qui en embellit le souvenir.
Cette ambition est possible ; la crise du Covid-19 l’a montré en matière économique et financière.
La mise en place, pas si chaotique que cela, du plan de la réponse économique à la crise sanitaire a montré pour la première fois combien les gouvernements des principaux pays européens « mûrs » étaient conscients du degré élevé d’interdépendance de leurs économies, de la puissance du marché unique, et de la nécessité d’un rééquilibrage interne de leurs appareils productifs.
La solidité et le dynamisme du pivot franco-allemand a provisoirement enterré les dérives populistes, nourries par un demi-siècle d’absence de politique des États et de l’Union, vis-à-vis de flux migratoires économiques qui ont pallié l’inexistence d’offres locales de main d’œuvre refusant des travaux peu ou pas qualifiés.
Courage ! l’horizon d’une puissance utile n’est pas bouché. Je continue d’y croire. Comme me l’expliquait mon professeur d’Histoire, l’unité Allemande s’est faite sur une base « petite allemande ». Le réalisme de Bismarck a quasi éliminé l’Autriche ; une Europe confédérale ou même fédérale sera plus facile à bâtir à dix ou douze qu’à vingt-sept.
Il est l’heure de préférer la puissance au Zollverein.
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Certains de celles et ceux qui me font l’amitié de lire cette gazette me font l’observation de trouver mes propos très et trop décousus.
Pardon.
Pour me justifier simplement, je dirais que la tempête du Covid-19 s’accompagne de vents variés, chauds, froids ou tièdes. Ils proviennent de tous les points cardinaux et au-delà de leurs sautes nombreuses, de leurs charges différentes et mélangées, notre esprit est fortement sollicité. De plus la ruse des événements qui fait croire qu’il ne faut rien perdre du moment « historique » ajoute à l’excitation.
Peut-être est-ce trop ambitieux ? voire arrogant ? ou de la cuistrerie ? Pour m’excuser je vous dirais que c’est seulement le fil de la plume ou du clavier, ce fil qui recueille enthousiasmes, rancœurs, angoisses ou énervements.
A nouveau merci de me lire.
Pierre Brousse
Le Pradet Le 10 Août 2020
[1] Chris Patten, dernier gouverneur de Hong Kong considère qu’il y a génocide des Ouïgours.