Préambule : La Chine et l’Asie centrale ?
La Chine a commencé à s’intéresser véritablement à l’Asie centrale dans les années 1990, en raison de leurs ressources naturelles et de l’impératif de sécurisation de son espace proche au lendemain de l’effondrement de l’URSS. Depuis, son influence dans ces deux États avec qui elle partage des frontières communes n’a fait que croître. Pékin renoue avec une tradition impériale diluant l’idée de frontière, en opposition au modèle d’État-nation. Puissance continentale, la Chine se projette sur mer comme sur terre, par avancées progressives de relais démographiques et infrastructurels, maillant à terme le territoire.
Les enjeux sont multiples : accès aux marchés de l’Asie centrale, lutte contre le terrorisme et les narcotrafics mais aussi coopération multilatérale à travers l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), dont chacun de ces pays est membre. La Chine est devenue le principal investisseur, prêteur et mécène de ces pays, comme le rappelle le « Livre jaune sur l’Asie centrale », paru en juin dernier et émanant de chercheurs de l’Académie chinoise des sciences sociales, spécialistes de cette région du monde.
La diplomatie régionale initiée par Pékin à partir des réformes de 1979 se donne pour objectif premier d’achever le règlement des délimitations territoriales et des frontières, puis d’assurer une dynamique commerciale croissante avec chaque pays voisin (via la diaspora chinoise et l’ouverture progressive des frontières avec, de part et d’autre, des zones franches). Dès les années 2000, la RPC, renforcée par son adhésion à l’OMC, va déployer une « diplomatie du pourtour ». Elle cherche alors à stabiliser ses relations avec son environnement régional terrestre et maritime. Depuis 2013 et le lancement du projet BRI, la formule « diplomatie de bon voisinage » s’articule peu à peu à une prééminence chinoise retrouvée. La RPC s’investit toujours plus dans les mécanismes régionaux de coopération économique et de sécurité. Depuis les années 1990, elle est à la fois le moteur d’une intégration économique régionale à travers une politique commerciale offensive et l’arbitre de potentiels conflits régionaux par le retour affirmé de sa souveraineté territoriale.
Entreprises d’État, nouvelles diasporas, entrepreneurs, paysans et petits commerçants investissent progressivement l’Asie centrale en continuité avec la politique dite de « développement de l’Ouest » initiée par Pékin dès la fin des années 1990 pour siniser et maîtriser le territoire du Xinjiang (entre autres), marge non-Han de la RPC. Corridors, routes, tubes sont aussi importants que les immenses réserves de terres cultivables destinées aux besoins colossaux de la Chine.
Le cycle d’émissions Cultures Monde
L’émission Cultures Monde animé par Florian Delorme propose cette semaine un cycle sur les espaces post-soviétiques : le nouveau grand jeu.
Espaces post-soviétiques : le nouveau grand jeu
1/ De Kiev à Minsk, la fin du rêve européen
2/ Haut-Karabakh, la Russie garde la main
3/ De Bichkek à Noursoultan, l’offensive chinoise
3/ De Groznyï à Douchanbé, l’ombre de l’islamisme
Retrouvez ici le Podcast du 3e volet consacré à l’offensive chinoise :
Épisode 3 : De Bichkek à Noursoultan, l’offensive chinoise
Intervenants :
Emmanuel Veron Délégué général du FDBDA
Géographe, chercheur associé à l’école navale et à l’INALCO. Membre de l’IFRAE (Institut Français de Recherche sur l’Asie de l’Est).
Directrice de l’Institut pour les Etudes Européennes, Russes et Eurasiennes (IERES) au sein de l’Université Georges Washington.
Consultant indépendant.
L’ÉQUIPE de Cultures Monde
Production
Réalisation
Avec la collaboration de
Bertille Bourdon, Margaux Leridon, Nicolas Szende
Production déléguée
Mélanie Chalandon, Antoine Dhulster
Retrouvez plusieurs ci-dessous plusieurs articles publié sur le site du FDBDA :
Image : sur la route de Pamir, d’Osh (Kirghizistan) à Douchanbé (Tadjikistan).