Le gouvernement chinois ne lâche rien. Il reste inflexible sur ses visées dans l’Himalaya, il poursuit l’élimination des Ouïghours, il insiste à Hong Kong, durcit sa position en mer de Chine, particulièrement en se mettant sur le pied d’interdire la navigation « inoffensive » dans le détroit de Taïwan.
Tout cela se fait au mépris des « règles » du multilatéralisme « classique » et de l’esprit, la lettre et la jurisprudence du droit international.
L’administration Biden, la plupart des pays de la région, dont le Japon, l’Australie, l’Inde et les pays européens dotés de marines de guerre à peu près présentables ont entrepris de réagir en montrant activement leur pavillon dans la région, particulièrement en mer de Chine méridionale, au nom du principe de la liberté des mers.
La question que posent ces postures juridiques et militaires est de savoir jusqu’où cela nous mènera.
Si on est rationnel, considérant que les parties en présence sont résolues, il faudrait à court terme attendre une escarmouche avec des dégâts sérieux entre navires occidentaux et forces chinoises.
A cet instant se jouera la question de la guerre ou de la paix.
Les discours violents des Chinois, la mise en condition très nationaliste de leur opinion publique, la « bunkerisation » de la direction du Parti communiste et le vœu de Pékin d’adopter un masque de « mal aimé » sur la scène internationale conduisent à penser qu’un recul même furtif est impensable.
Par conséquent, il faudra bien un jour faire comprendre nettement au monde que la mer de Chine est une « res nullius »[1].
Les reculs de l’administration Obama vis-à-vis de la Chine, de la Corée du Nord et de la Syrie d’une part, et les abandons, les retraits et maladresses de la diplomatie Trump de l’autre, font penser qu’une retraite, un aggiornamento ou même une capitulation à propos de Taïwan sont toujours possibles de la part d’une Amérique en plein désarroi intérieur.
Alors, l’allié américain n’étant absolument pas sûr, il nous faut bâtir une politique européenne indépendante pour les océans Pacifique et Indien. Gardons-nous de voir rejouer à Xiamen, Canton ou Pékin une mascarade diplomatique qui sentirait fort l’air des Alpes bavaroises en 1938.
Pour le coup, très probablement, une guerre se jouera à la place d’un affrontement raisonné et humiliant. Sans un Metternich ou un Talleyrand.
États-Unis, Japon et Corée seront en première ligne. La Russie et l’Europe devront se déterminer peu après.
Pensons-y dès maintenant.
Pierre Brousse
Paris le 6 Mars
2021
[1] « Res nullius » : « la chose de personne » [traduction]