Sur les côtes françaises, 14 stations de mesure scrutent les effets du changement climatique sur l’océan

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Activité phytoplanctonique dans le Golfe de Gascogne (Loire et Baie de Vilaine) vue par le satellite Sentinel-2 le 27 mars 2020. OceanDatalab/Sentinel-2, CC BY-NC-ND

Coline Poppeschi, Ifremer; Guillaume Charria, Ifremer et Michel Repecaud, Ifremer

Les récents records de températures historiques au mois de mars 2021 et de précipitations lors de l’hiver 2020-2021 en France illustrent les changements auxquels l’océan côtier doit faire face. Ces évènements extrêmes tendent à s’intensifier et à se multiplier dans les années à venir.

Cette évolution ouvre de nombreuses questions sur l’impact qu’auront ces nouvelles conditions climatiques sur l’océan côtier, sa dynamique (courants, température), sa biodiversité et sa capacité de résilience face à de tels changements restent ouvertes.

Pour anticiper, voire prédire la réponse de l’océan côtier aux situations atmosphériques extrêmes auxquelles il est exposé (tempêtes, vagues de chaleur, fortes précipitations entraînant des crues), des stations de mesures, réelles vigies de l’océan côtier, ont été déployées le long des côtes françaises depuis plus de 20 ans.

Comprendre les impacts des évènements extrêmes

Prenons quelques exemples. Il arrive que des crues amènent des conditions favorables au développement de certaines algues potentiellement toxiques, dont les floraisons sont susceptibles de rendre ponctuellement impropres à la consommation certains fruits de mer.

Après des vagues de chaleur, les écosystèmes côtiers sont parfois marqués par des déplacements géographiques d’espèces et des changements généralisés dans la composition des espèces qu’ils abritent.

Dans d’autres cas, les tempêtes peuvent être à l’origine de surcotes – c’est-à-dire d’une augmentation du niveau de la mer au-delà du niveau de marée haute, comme c’est arrivé durant la tempête Xynthia – ayant des conséquences graves sur le littoral, tout particulièrement dans les régions côtières urbanisées.

Il est essentiel pour comprendre les mécanismes et l’enchaînement d’évènements océaniques qui vont provoquer un changement du milieu marin, de pouvoir les observer pour, selon l’état de l’environnement marin, déterminer comment le milieu marin en sera affecté.

Observer avec des bouées automatisées

C’est pourquoi depuis plus de 20 ans, des systèmes de mesures organisés dans un réseau nommé COAST-HF et opéré en collaboration entre différents instituts de recherche (Ifremer, CNRS, universités marines) veillent sur les côtes françaises.

Ce système haute fréquence – une mesure environ toutes les 20 minutes – capte les évènements extrêmes, y compris s’ils n’interviennent que sur quelques heures ou jours.

Les stations de mesures automatisées du réseau sont déployées sur des bouées et conçues pour fonctionner en continu, y compris durant des épisodes extrêmes. Elles collectent en temps réel des informations sur les conditions physiques, biogéochimiques voire biologiques de l’océan côtier.

Aujourd’hui, le réseau compte 14 stations équipées et réparties le long des côtes métropolitaines de la Manche, l’Atlantique et la Méditerranée.

Station de mesure autonome COAST-HF située en rade de Brest et composante du réseau COAST-HF. Ifremer, CC BY-NC-ND

Un écosystème sous pression en hiver

Elles ont notamment mis en lumière comment l’augmentation des épisodes intenses de précipitations ces dernières années affecte directement les conditions hydrologiques marines – température et salinité de l’eau de mer – déterminées d’après les informations collectées sur place.

Ces apports d’eau douce sur les bassins versants viennent directement, en hiver en particulier, alimenter les rivières et fleuves, et donc augmenter les nutriments dans l’océan côtier. Ces apports plus intenses et pour des périodes limitées ne sont pas étrangers aux évolutions des conditions atmosphériques à l’échelle de l’Atlantique Nord.

Depuis 2010, l’augmentation des évènements extrêmes hivernaux est plus marquée par rapport à la décennie précédente. Les observations ne permettent cependant pas d’avoir un recul à plus long terme. Reste à déterminer si ce constat correspond à une tendance – à plus long terme comme simulé dans les projections climatiques – ou à une période transitoire.

La croissance du phytoplancton retardée

Au-delà de ces évènements hivernaux, des évolutions sur le démarrage des efflorescences de phytoplancton sont observées. En rade de Brest et en baie de Vilaine, le début de la saison productive est de plus en plus tardif – environ 30 jours plus tard aujourd’hui qu’en 2011. Ce retard traduit la réponse de l’écosystème côtier à différents paramètres allant de l’ensoleillement à la turbulence océanique.

Les évènements extrêmes viennent amplifier ces évolutions interannuelles avec par exemple des vagues de froid de fin d’hiver qui retardent d’autant plus le démarrage de la croissance du phytoplancton.

Il s’agit maintenant d’analyser ces évolutions en lien avec la pression climatique au regard de la pression anthropique sur ces écosystèmes, qui demeure importante. De nouveaux systèmes doivent être développés pour mieux observer les transformations et les pressions humaines sur l’océan côtier aux différentes échelles de temps et d’espace (par exemple, plastiques, contaminants).

Les stations d’observation en continu et à haute fréquence de l’océan côtier constituent l’un des piliers du suivi de ces changements.

Coline Poppeschi, Doctorante en océanographie physique, Ifremer; Guillaume Charria, Chercheur en océanographie physique côtière, Ifremer et Michel Repecaud, Ingénieur hydrodynamique – Réseaux de mesure automatisés en milieu côtier, Ifremer

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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