Capit Muscas Editions vient de faire paraître un nouvel ouvrage « Toulon au fil des textes » par Marc Bayle, Préfet honoraire, ancien commissaire de la Marine, Marc Bayle est diplômé de Science-Po Paris, docteur en droit public et docteur ès lettres et sciences humaines. Il a été conseiller général de Toulon de 1994 à 2001.
Marc Bayle nous fait partir à la découverte de la ville singulière de Toulon, en compagnie de Vauban, Schopenhauer, Victor Hugo, Stendhal, Michelet, Loti, Morand, Django Reinhardt, Bernanos, Gilbert Bécaud, et bien d’autres !
Dans une anthologie littéraire riche de 37 extraits choisis et finement commentés, Marc Bayle, qui fut un protagoniste actif de la vie publique toulonnaise, brosse un portrait vivant de Toulon, son port de guerre, la « Royale », les marins, la rade, le Mont-Faron, le cours Lafayette, le stade Mayol, le Rugby club toulonnais, ses quartiers interlopes …
Au fil des textes, l’ouvrage édité donne à voir une ville dédiée à sa marine, royale puis républicaine, mais aussi une ville de la politisation précoce, de la critique sociale, et une cité de la douceur de vivre aussi, propice à la flânerie, aux charmes discrets de ses quartiers, surmontant son passé traumatique, pour devenir désormais attractive.
D’où qu’on la contemple, du haut du Mont-Faron, muraille de la cité pleine de « bruits militaires », à sa vaste rade, du Cap Sicié à la presqu’île de Giens, cette rade souvent louée comme « la merveille du monde », on ressent l’émotion d’y voir une destinée nationale.
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Parution le 5 mai 2022 : Toulon au fil des textes
Broché 11 x 18 cm 264 pages N&B (imprimé en France)
13,50 € – version papier
6€ – version numérique
Disponibles sur le site capitmuscas.com ISBN 978-2-9569838-4-2
Nous avons rencontré Marc Bayle. Nous publions cet entretien autour de son ouvrage.
FDBDA. Vous rassemblez et présentez une littérature particulièrement riche. Quelles sont les temporalités les plus marquantes de cette historique cité militaire, qui a su se recomposer avec l’histoire?
Marc Bayle. Le mur porteur de Toulon au travers des siècles est clair : c’est une ville martiale faite par et pour l’Etat, celle d’un « Port Royal », une enclave de la marine. Peu de villes s’identifient autant à l’histoire nationale. Dès le XVIIème siècle, son histoire est jalonnée par les turbulences de l’histoire militaire de la France : rivalités franco-anglaises, installation du bagne, exacerbation des conflits sous la Révolution, sa reconquête par le jeune Bonaparte, consolidation au XIXe siècle de son rôle de base de départ des expéditions coloniales et exploratoires, outil du « rêve d’Orient »
Au XX ème siècle, à côté de la Marine, Toulon est également la ville de garnison des troupes coloniales puis de marine. La Seconde Guerre mondiale a marqué fortement la ville , avec le sabordage de la flotte, les bombardements (plus de 8 000 immeubles détruits).
Au début des années 1970, le président Pompidou a réorienté la stratégie militaire de l’Atlantique vers la Méditerranée, du fait des conflits moyen-orientaux. Et Toulon est (re)devenue l’outil stratégique de la projection de la puissance de la France, ce rôle ne s’étant pas démenti, depuis lors, avec la fréquence des opérations extérieures, qui partent toutes de sa rade.
Pan d’histoire plus méconnu, Toulon a été, par intermittence, un chaudron politique ; guerre civile entre légitimistes et jacobins sous la Révolution, au XIXe siècle, ville de la politisation précoce, de la critique sociale, berceau du socialisme utopique, comme l’avait démontré le grand historien Maurice Agulhon, conquête (provisoire) de la ville par le Front national dans les années 1990, suscitant l’intérêt des médias nationaux et internationaux.
FDBDA. Toulon est aussi une ville d’émotion par sa géographie et son histoire. Est-elle inscrite dans une destinée méditerranéenne singulière?
Marc Bayle. A Toulon, on ressent l’émotion d’y voir une destinée nationale, très peu provinciale finalement. Et mon ouvrage, que les éditions Capit Muscas ont bien voulu accueillir, recueille, en les commentant, des témoignages d’écrivains, de poètes, d’hommes politiques, de militaires, sur la destinée hors du commun de cette ville, « blessée au cœur », comme l’écrivait Bernanos, mais que « la gloire ensemence », comme le chantait Victor Hugo. f
Le poids de la Marine nationale se fait sentir de manière obsessionnelle dans tous les domaines de la vie toulonnaise, dans son paysage urbain, dans son histoire, ses noms de rue, son économie, ses mentalités, son folklore. Il est vrai que Toulon n’a jamais été admise dans l’esprit public à la Côte d’Azur. L’inventeur du terme « Côte d’Azur », Stéphen Liégeard, la cantonnait à son statut de port militaire , la véritable riviera, sa Côte d’Azur commençant, à ses yeux, à l’ouest à Hyères.
Mais sa destinée méditerranéenne reste entière. La base navale de Toulon, premier port militaire de la Méditerranée, regroupe 70 % de la flotte de la Marine nationale, constituant un atout de premier ordre dans le contexte d’une région méditerranéenne, zone de conflits ou de risques de conflits.
FDBDA : Toulon, source d’inspiration littéraire incontestée, son rayonnement, aujourd’hui, a-t-il vocation à s’imposer, notamment avec l’importance de la maritimisation de l’économie et de la société ?
Marc Bayle. Vous posez deux questions en fait.
Toulon, source d’inspiration littéraire, certainement, mais l’observation est datée ! Le Toulon de l’entre-deux-guerres fut le lieu de rencontres d’écrivains (Francis Carco, Cocteau, Paul Morand, Bernanos, Blaise Cendrars, Kessel, Madox Ford Seabrook, Ralph Barton) de peintres cubistes (Picasso, Lhote, Kisling), de musiciens (Darius Milhaud, Django Reinhardt). Son atmosphère festive de ville d’hédonisme portuaire y contribua. Paul Morand estimait que « Montparnasse se l’annexa » .
Son rayonnement aujourd’hui est en progrès. Pour quatre raison au moins.
-Du fait d’abord, de l’importance de son secteur maritime (la communauté maritime représente près de 18 % de la population de l’aire métropolitaine toulonnaise).
–Son virage métropolitain ensuite , s’insérant désormais dans une Métropole (Toulon-Provence-Méditerranée), allant de Six-Fours jusqu’à Hyères, avec un bassin d’emploi de 578 000 habitants, faisant d’elle le deuxième bassin le plus peuplé de la région Sud. Les fonctions métropolitaines y progressent plus vite que dans les autres aires urbaines, en particulier l’emploi dans les fonctions de « prestations intellectuelles et culture-loisirs » et du tertiaire supérieur. Toulon est donc entrée dans une phase de « rattrapage ».
–L’émergence aussi d’ un milieu innovateur, avec une trajectoire économique plus diversifiée, moins dépendante de l’Etat. Par exemple, Naval Group a quitté le modèle de l’arsenal, entreprise de main d’œuvre, pour celui d’une société de haute technologie. Le système productif toulonnais laisse une plus grande place au jeu du secteur privé, avec une plus grande fluidité des innovations et des transferts de technologie.
– Son regain d’attractivité enfin :Toulon est une ville au climat doux, celle du plaisir de flâner dans une cité discrète, aux charmes pluriels de ses quartiers, accessible, sans prétention et snobisme, loin des poncifs et bling bling voisins, mais pétrie par l’histoire, surmontant ses passés traumatiques, se rehaussant aujourd’hui, redevenant désormais attractive, elle qui fut si longtemps éloignée du tourisme balnéaire.