Crédit photo : OTAN (licence CCA).
Le retour à la promotion des valeurs démocratiques et à la promotion des droits de l’homme : bienfaits et limites
Au début de son mandat, le Président Biden affirmait : « we must start with diplomacy rooted in America’s most cherished democratic values: defending freedom, championing opportunity, upholding universal rights, respecting the rule of law, and treating every person with dignity ». Comme D. Trump, l’actuel président n’a pas manqué de durcir le ton notamment envers la Chine pour la politique menée contre les Ouigours.
Sur le plan institutionnel, on observe un réengagement américain auprès du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies après leur retrait initié par Donald Trump en 2018. A l’époque, il s’agissait selon Nikki Haley, alors ambassadrice américaine auprès des Nations Unies, de marquer le désaccord des Etats-Unis avec le fait que le Conseil ait été un protecteur d’Etats violant délibérément les droits de l’homme. De manière sous-jacente, il s’agissait de prendre ses distances avec le Conseil en raison des critiques récurrentes adressées par celui-ci envers Israël et envers la politique migratoire américaine. Pour le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, les Etats autoritaires ont profité de l’absence de leadership américain dans cette instance, raison qui les a incités à présenter la candidature des Etats-Unis pour redevenir membres du Conseil, ce qui est chose faite depuis le 1er janvier 2022. Ce réengagement ne doit pas occulter la persistance des critiques américaines à propos du mode de fonctionnement du conseil et des torts causés à Israël . Selon le secrétaire d’Etat le conseil « suffers from serious flaws, including disproportionate attention on Israel »[1]. Qu’adviendra-t-il de cet intérêt renouvelé pour le Conseil à l’épreuve de la realpolitik ? L’avenir le dira.
Engagement en matière environnementale : une vraie rupture avec la pratique antérieure ?
En ce domaine, les Etats-Unis semblent mener une politique particulièrement volontariste. La nomination de John Kerry comme envoyé spécial pour le climat est un signal fort en faveur d’un engagement américain. Il ne s’agit pas simplement de renouer avec l’Accord de Paris, mais d’agir pour que cet accord soit effectivement appliqué. Aussi, le 22 avril 2021, Joe Biden annonçait une limitation d’au moins 50% des émissions de gaz à effet de serre des États-Unis d’ici à 2030 et il visait la neutralité carbone en 2050. Cet engagement a été réitéré au G20 avant la tenue de la COP 26 de la convention des Nations unies sur le changement climatique. L’un des enjeux majeurs pour les Etats-Unis est que leur contribution nationale soit à la fois réaliste et ambitieuse, ce qui implique sur le plan interne des négociations avec les groupes environnementaux, les entreprises et les gouvernements. L’adoption de l’amendement de Kigali au Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone, qui prévoit l’abandon progressif des gaz de type hydrofluorocarbones, est un autre sujet important que le Président devra défendre auprès du Sénat. Or beaucoup dépendra du soutien des parlementaires[2] et, comme ses prédécesseurs, Joe Biden devra composer avec les enjeux de politique intérieure qui conditionnent l’action extérieure des Etats-Unis dans de bien plus larges proportions que dans d’autres pays occidentaux.
Rien de nouveau du côté du commerce international
La politique extérieure des Etats-Unis en matière économique est guidée par la concurrence avec la Chine concernant les pratiques commerciales déloyales. Les débats au Congrès restent dominés par ces questions, incluant les défis commerciaux entre les États-Unis et la Chine parmi d’autres sujets tels que la résilience de la chaîne d’approvisionnement, les tarifs unilatéraux et les exemptions, les programmes de préférences, les accords commerciaux et, plus récemment, les réponses commerciales potentielles à l’invasion de l’Ukraine par la Russie[3]. Dans ce contexte, l’Organisation mondiale du commerce apparaît comme le symbole de l’opposition américaine à la Chine, sans toutefois parvenir à convaincre les Etats-Unis de son efficacité ; sur ce point, la revitalisation de l’organisation pose question depuis longtemps outre-Atlantique. Et elle ne se limite pas à la réforme de l’organe de règlement des différends. La principale critique à l’égard de ce mécanisme tient à la liberté que se serait octroyée l’organe dans l’interprétation du droit national. Joe Biden continue à bloquer l’élection des membres de l’Organe d’appel. Les critiques ne se limitent d’ailleurs pas au problème du règlement des différends mais inclut l’incapacité à modifier et à faire évoluer les règles internationales, notamment sur le travail et l’environnement[4].
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L’on assiste finalement à un premier bilan en demi-teinte : à l’évidence le discours et une partie des actes pris par le Président Biden sont en rupture avec son prédécesseur et les Etats-Unis se replacent sur le devant de la scène internationale. Plusieurs domaines en sont la démonstration ; cela ne doit pas pour autant occulter le continuum qui existe dans la vision américaine des affaires du monde ; sur les fondements de leurs actions et sur leur place dans le concert des nations. Les récents événements internationaux montrent que le retour du multilatéralisme cache mal les oppositions bilatérales qui sont au centre du jeu (Etats-Unis c. Russie, Etats-Unis c. Chine).
[1] Antony J Blinken, Election of the united states to the United Nations Human rights council, press statement, 14 oc. 2021 https://www.state.gov/election-of-the-united-states-to-the-un-human-rights-council-hrc/
[2] Daniel Bodansky, Climate Change: Reversing the Past and Advancing the Future/m>, 115 AJIL Unbound 80 (2021).
[3] Congressional research service, « U.S. Trade Policy: Background and Current Issues », 16 mars 2022.
[4] https://www.wita.org/blogs/revitalizing-wto-under-biden/ ; https://www.atlanticcouncil.org/wp-content/uploads/2020/10/Revitalizing-the-WTO-Report-author-edit.pdf ; V. également https://www.wita.org/blogs/what-biden-should-do/