Entre des tensions qui s’intensifient avec les Etats-Unis, une amitié renforcée avec la Russie et un rapprochement avec le Moyen-Orient, le pays de Xi Jinping ne serait-il pas en train de devenir un nouvel acteur diplomatique central ?
Mercredi 5 avril 2023 – Retrouvez ici le Podcast de L’Invité(e) des Matins : Chine-USA : comment Pékin impose son rythme sur la scène diplomatique
Avec
- Christine Ockrent Journaliste et productrice de l’émission « Affaires étrangères » sur France Culture
- Emmanuel Véron Géographe, spécialiste de la Chine contemporaine, chercheur associé à l’école navale et à l’INALCO, membre de l’Institut Français de Recherche sur l’Asie de l’Est (IFRAE)
La mise en place d’un nouvel ordre international
L’Union européenne et la France peuvent-elles peser sur la Chine dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine ? La journaliste Christine Ockrent explique qu’”Emmanuel Macron et Ursula Von der Leyen auront affaire à un Xi Jinping au fait de sa puissance et qui a renforcé davantage le contrôle du Parti Communiste chinois sur tous les secteurs d’activité, et surtout sur la technologie et l’économie”. Elle ajoute : “sur la scène internationale, il se sert de la guerre en Ukraine pour traiter avec un Vladimir Poutine affaibli au profit des intérêts économiques chinois et de sa volonté de mettre en place un ordre international différent. Le seul levier pour le Président français et la Présidente de la Commission européenne est le commerce et l’économie, car Xi Jinping a un problème majeur : relancer l’économie chinoise ralentie depuis trois années d’épidémie de Covid-19 et pallier les contradictions manifestes entre l’idéologie et le besoin de maintenir les ressorts de l’économie”, conclut la journaliste.
Le géographe Emmanuel Véron précise pour sa part que “depuis Pékin, la guerre en Ukraine n’est pas dans l’environnement stratégique immédiat du pays. Ce n’est pas dans ses priorités”. Il ajoute : “ce qui est dans ses priorités, c’est l’intensification des relations avec Moscou pour densifier ses approvisionnements en matières premières et consolider une sorte d’axe, de bloc contre l’Occident et par la même occasion construire un ordre international alternatif à ce que l’Occident a pu induire au lendemain de la Seconde guerre mondiale”.
La Russie : “allié encombrant de la Chine” ?
“La Russie est en effet un allié encombrant de la Chine.”, souligne le géographe Emmanuel Véron. “Mais la puissance russe reste fort utile pour construire le bloc en question. Dans le même temps, ce soutien de la Chine à la Russie contre les intérêts de l’Europe et l’idée de démocratie libérale est animée par une logique implicite : jamais la Chine ne va envoyer des armes en Ukraine”.
Christine Ockrent complète : “l’ironie de la situation économique est que l’affrontement technologique entre la Chine et les États-Unis porte sur les semi-conducteurs, et que la plus grande entreprise de semi-conducteurs, TSMC, est taïwanaise. Sur ce point, la comparaison avec l’Ukraine et la Russie est historiquement fondée, bien que légèrement déformante”.
Emmanuel Véron explique en effet que “Taïwan est une question que jamais la Chine ne laissera de côté : il y a un agenda avec des intentions cachées, et plusieurs scénarios possibles en fonction de l’État de la Chine et de son environnement international”. Le géographe estime alors que “Taïwan est un des grands sujets de ce premier quart du XXIe siècle, qui fait intervenir des scénarios similaires à l’Ukraine, avec certaines différences fondamentales : notamment la présence de garanties de sécurité américaines qui s’expriment dans la continuité de la volonté de Joe Biden et Donald Trump de sanctuariser cette industrie des semi-conducteurs”.
Consolider le parti : l’objectif premier de Xi Jinping
La journaliste Christine Ockrent relève que “Xi Jinping est obsédé par l’écroulement de l’Union soviétique ou plus précisément d’une partie communiste de l’Union soviétique. La seule manière de tenir 1 400 millions d’individus est la consolidation du parti à chaque étape de son ascension. Cela passe aussi par l’emprise du parti sur la technologie dans la mesure ou la dictature chinoise est basée sur les algorithmes, donc la grande menace de la Chine sont les entrepreneurs de la Silicon Valley”, conclut-elle.
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