Lettre n°14 – Eté 2023

PRONUNCIAMENTO & PILLARDS

Les jours passés ont marqué d’importantes ruptures.

D’abord par les péripéties russo-ukrainiennes qui mettent en jeu la pérennité du pouvoir au Kremlin.

Ensuite avec l’apparition d’une netteté inhabituelle de la profonde fracture sociale, surtout culturelle des sociétés occidentales.

Ce fut vrai particulièrement dans une France touchée par plusieurs jours successifs d’émeutes, d’agressions et de pillages. Ces actes très violents perpétrées par une frange de population perçue comme vivant en dehors du moule républicain ont soulevé pour la première fois un très fort rejet. Sans précédent depuis presque quatre-vingts ans, l’opinion publique se range nettement du côté des « partis de l’ordre ».

Mercenaires & coups d’État

Xénophon un des plus lointains modèles de Wagner fut engagé avec dix mille autres  grecs pour réaliser un coup d’État qui, malgré le succès militaire, échoua du fait de la mort du commanditaire.

Les carthaginois eux luttèrent d’abord contre leurs mercenaires impayés -numides pour la plupart- qui devaient finir par les trahir dans l’ultime bataille de Zama . Le génie de Scipion était aussi très politique.

Plus tard, à la Renaissance, les condottieres s’intéressèrent peu au pouvoir, préférant souvent l’argent aux vaines charges de l’administration. Plus ambitieux, Sforza qui installa sa dynastie à Milan fut un contre-exemple.

Au début de la république espagnole (1931-36), le désordre politique intérieur appela les armées à s’emparer du vieux tic des soldats réguliers, le « droit » de se « prononcer » sur les sujets politiques ; contre les gouvernements légaux. Franco, inattendu généralissime, tira un grand bénéfice des ébranlements antérieurs, et installa un pouvoir dictatorial pour presqu’un demi-siècle.

Pronunciamento le mot n’échappa pas au Général de Gaulle dans sa qualification télévisée du putsch d’Alger.

L’affaire Prigogine-Wagner n’est ni une tentative de coup d’État, ni une rébellion militaire, c’est un simple et spectaculaire chantage entre mafieux. Chicago plutôt que von Stauffenberg.

Il a révélé l’ampleur de la faiblesse du régime de Wladimir Poutine et comme en Espagne c’est un bel encouragement pour de futurs factieux.

La cavalcade de Rostov vers Moscou et la réponse du Kremlin au fond bien faible, siffle le début des « arrêts de jeu » pour le régime. La fin est proche.

Cependant, attendons prudemment, il est vraisemblable que les successeurs de Wladimir nous enfonceront un peu plus dans la guerre. Il faut nous préparer à la faire pour de bon, et à dès aujourd’hui accepter que cela sera, pour l’occident, difficile et certainement douloureux.

Mafias & Kakistocratie

Les parallèles entre démocratie, croissance économique, démographie et désordres environnementaux sont bien établis.

De même, vulgarité et culture mafieuse sont des constantes dans les régimes autoritaires. Pourquoi s’encombrer d’une morale « huguenote » ennemie de toute licence quand il faut savoir parler au « peuple » le langage brutal et grossier de l’intimidation et de la violence ?

En cela le régime Russe est une caricature, la vulgarité et la grossièreté y sont la règle, comme indiqué par le président Biélorusse dans ses commentaires télévisés.

Staline, Mussolini, Hitler, Ceausescu, Kadhafi, Castro, Pinochet, et leurs entourages on tous illustré et démontré jusqu’au ridicule ce trait.

Malheureusement nos sociétés démocratiques n’opposent pas en regard des personnalités plus saines.

La vulgarité de Trump colle bien au discours populiste et factieux destiné à sa puissante base électorale qualifiée de « lamentable » par Hillary Clinton.

Berlusconi, Salvini, Johnson, Pasqua, Balkany, Kachinski, Orban, Wilders, etc…. Sont ou ont été porteurs de ce même virus supposé plaire au « vrai peuple ».

La France est un malheureux exemple à part. L’opinion publique et une partie importante de la classe politique, particulièrement à l’extrême gauche et à l’extrême droite identitaire ne considèrent pas que la violence sur la voie publique constitue une atteinte grave aux principes démocratiques.

Une partie de la classe politique occidentale s’est convaincue que le pouvoir est dans la rue maintenant que les urnes sont désertées.

On  se plaît à instiller dans l’opinion un défaut de raison en recherche de hautes doses de passion.

Cette « stratégie » d’action politique fait partout, comme dans l’entre-deux guerres, le lit de l’extrême droite.

J’ai eu l’occasion de parler de cela avec des amis européens portugais, italiens espagnols ou allemands qui outrés que les barrages gilets jaunes puissent entraver la liberté de circuler.

Cette lecture de l’extrême violence des manifestations de gilets jaunes celles consacrées à l’âge de la retraite ou en protestation à des bavures policières stupéfient depuis longtemps tous les vrais démocrates.

Combien de Français partageaient t ils ce sentiment de bon sens ?

Ces derniers jours ont cependant créé une lueur d’espoir ; plus de 80% de nos compatriotes désapprouvent nettement les violences, les agressions et les pillages qui se sont produit dans toute la France ces derniers jours .

Froidement, nettement, ces quatre cinquièmes de la population aspirent à l’ordre.

Le rétablissement de celui-ci sera long, couteux et douloureux. Le désordre général est le produit de soixante-dix ans de « laisser filer » dans l’éducation, la justice, la police, les finances publiques, la gestion de l’immigration, la fonction publique, la sélection de la classe politique.

La kakistocratie a patiemment et sûrement bousculé notre morale publique.

Le pays doit d’abord rechercher et rétablir une excellence perdue dans toute son administration civile.

C’est aussi malheureusement le lot de tout l’occident, les élites ont partout déserté chose et morale publique.

Si le chantier français est immense, la prise de conscience, pour cette fois, paraît réelle profonde et très majoritaire.

Les gens de bon sens et de bonne volonté peuvent aider le pays prendre sagement ce virage historique. 

Pour notre part nous désirons participer à un tel effort.

Pendant ce temps, le reste du monde continue à construire son opposition à l’occident.

Si la Chine vassalise peu à peu la Russie, après une année de récupération post Covid elle peine néanmoins à régler ses « irritants » de Taiwan et de la mer de Chine. Sur le long terme le nouvel équilibre de l’oligarchie communiste sanctifié par le dernier congrès du parti qui donne une « raideur » renouvelée à l’appareil du pouvoir, appelle à s’interroger pour savoir s’il n’est pas porteur des vieux maux centrifuges qui régulièrement affectent l’empire du Milieu, pour le moment très mobile.

Le vieux et fatigué président américain devrait à court terme conforter le pouvoir de Xi tandis que les européens se cherchent dans la peur de l’ours russe, que l’Amérique latine se délite, que l’Afrique continue de se déchirer, que l’Inde reste aux prises avec ses vieux démons et qu’au fur et à mesure de l’épuisement des hydrocarbures l’angoisse grignote le Moyen Orient.

Tout cela sans parler du changement climatique « patate chaude » universelle qui du fait de la profonde et volontaire ignorance du public et l’aveuglement des prétendus sachants (cf -Don’t look up-) reste un sujet ni géré ni gérable.

Là aussi nous sommes disponibles pour rejoindre un camp, pour le moment désespérément presque vide, celui de la raison.

Pierre Brousse

Juillet 2023

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