L’ours, le dragon, le lion, Le taureau, l’aigle chauve, la tulipe, et le tigre endormi

Pierre Brousse

Les jolies fables d’Ésope et de la Fontaine nous énoncent de belles vérités souvent animales qui ressemblent sauvagement à nos passions humaines.

La morale de chacune des fables cherche-t-elle le rationnel ?

Le fabuliste nous le dit : « Lorsque les hommes sont transformés en bêtes les voici esclaves de leurs passions » (Les compagnons d’Ulysse).

A la veille de l’hiver nous voici de nouveau dans un « grand jeu », cet affrontement Anglo-Russe du XIXème siècle en Asie Centrale que les Russes nomment aussi le « Tournoi des ombres ».

Mais l’échelle a changé ; la guerre est devenue planétaire.

Pas de continent immunisé, pas une seule opinion publique qui ne soit infectée. Trolls et fake news y sont pour un peu, l’ignorance et l’incurie pour beaucoup.

La victimisation qui nourrit et justifie la haine de certains est devenue partout le moteur privilégie qui accouche d’un manichéisme vecteur de violence. « Que j’ai toujours haï les pensers du vulgaire » ; « Le peuple est Juge récusable » (Démocrite et les Abdéritains).

Mais, malgré tout, la tectonique des plaques géopolitiques parlera.

Fidèle depuis Ivan le terrible à une sauvagerie farouche, l’Ours russe est néanmoins pauvre et efflanqué. Mené par une clique de voyous, inconscients criminels, adulés par leur peuple et bénis par son église autocéphale, son avenir en tant qu’Empire est en jeu.

C’est la raison pour laquelle le Dragon chinois l’appuiera. Il le gardera faible pour le faire tributaire.

La corde soutient le pendu.

Du coté Pacifique, le même Dragon se cherche une vocation maritime pour récupérer Taiwan et quelques îlots.

Cependant, depuis un lustre la Chine perd du terrain économique vis à vis de l’Aigle nord-américain.

La poutre économique qui la soutient s’effrite, les tarets s’appellent démographie en berne, dettes abyssales, fuite des cerveaux, cleptocratie, présidence à vie et énuques corrompus.

Malgré tout, le Dragon souhaite se chercher des alliés à coup de corruption, de prêts usuraires ou d’Instituts Confucius.

Mais en diplomatie, la vanité et l’arrogance ne font pas les bons dividendes.

Heureusement, son adversaire stratégique, le Tigre indien dort encore. Sur l’Himalaya il se bat à coups de pierres en regrettant l’époque où son opium faisait vaciller l’Empire du Milieu.

Alors, le Dragon chinois peut oublier Talas et rêver à des conquêtes en Asie centrale à la rencontre très amicale, pour le moment, du Lion iranien.

Quel animal ! que celui-là ; il erre depuis des siècles entre le croissant fertile, la mer Caspienne et l’Indu Kouch.

Fin diplomate, généralement cordialement haï par ses voisins, doté d’un pouvoir exercé par un clergé hiérarchisé, profiteur, avide et cruel, il fait peu mystère d’ambitions impériales messianiques.  

Il suit sa bonne habitude qui consiste à entretenir la guerre via des vassaux.

En dépit d’un régime anachronique à bout de souffle, son dernier coup de maître est son assaut visant l’Occident, via Israël, grâce à une milice sunnite d’assassins terroristes à sa solde, le Hamas.

Si son amitié de circonstance avec l’Ours russe lui protège son Nord, les velléités de la Turquie et de l’Azerbaïdjan pourraient le conduire à vouloir effeuiller la Tulipe aboulique qu’il tient à distance depuis plus de trois siècles

Ce sont les derniers clous du cercueil de la Paix mondiale.

Face à cette pente vertigineuse vers la guerre, l’Aigle américain, vu du dessous, a encore fière allure. Son économie est prospère et efficace, ses forces armées sont partout puissantes et sans égales.

Mais de plus près c’est un peu plus déplumé. La société est profondément fracturée. Son appareil administratif est dégradé, son système de santé est cher et inefficace, ses universités sont déboussolées, la xénophobie est galopante, le pays est scarifié par l’impéritie d’un électorat ignare prêt à élire un ex-président factieux, vulgaire et incompétent.

L’isolationnisme s’insinue partout, les traités sont susceptibles d’être violés dans l’esprit et dans la lettre ; s’il y agression d’un allié la réaction sera probablement parallèle à ce que nous vîmes durant la seconde guerre mondiale, soit très lente et déclenchée à partir du Pacifique.

Le Taureau d’Europe ne va ni mieux ni plus mal. Le continent n’a jamais été ni aussi riche, ni aussi cohérent à quelques exceptions près. Il fait cependant face à l’aggiornamento nécessaire au redressement d’une économie marquée par les choix énergétiques faciles d’hier. Il doit affronter la réforme d’un modèle étatique devenu partout cacochyme. Enfin il doit assumer sa grande irresponsabilité stratégique du passé.

Le tout, et c’est la principale difficulté, en devant assumer des fractures sociales et politiques du même type que celles des États-Unis, comme le mauvais lest de traîner une bonne partie d’une opinion publique « munichoise » par nullité ou par calcul.

Les mânes de Raymond Aron nous disent qu’il nous faut retrouver la sagesse et l’armer.

Vaste programme à mener avec vigilance en excluant ces vieux Trissotins, inutiles conseillers de princes, fruits secs nourris des échecs de leurs vies qui ont construit notre petit monde bien bancal et qui encombrent la fabrique contemporaine de l’opinion.

Tout cela au moment où nos flottes sont sous le feu Iranien et, faute de victoire Ukrainienne, qu’il faut se préparer à accueillir, sans réel soutien américain, une guerre sur notre sol.

Il faudra donc tuer l’Ours russe et vite priver par la force le Lion iranien de cette bombe atomique nécessaire à ses futurs chantages.

Nous le ferons accompagnés par la méfiance, l’amertume voire la haine de notre insaisissable voisin, ce triste « Sud Global » prêt à faire son miel de tous nos faux pas.

« Vous chantiez et bien dansez maintenant » (la cigale et la fourmi).

Bonne Année à tous.

Pierre Brousse

Décembre 2024

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