Maux & Cures

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Du fond d’une vallée heureuse nichée sur le versant nord de la chaîne des Pyrénées, dans un village voué aux cures thermales, diverses générations d’occidentaux se croisent autour d’un souci principal, soigner agréablement sa santé.

Quelque soit le niveau d’éducation des interlocuteurs, les conversations abordent tous les sujets, elles sont patientes, libres, calmes et la plupart du temps de bon sens.

Jeunes ou vieux, entrepreneurs, cadres ou employés, sous-traitants, curistes ou touristes, tous sont pleins d’allant. A 91 ans révolus le maître des lieux ne veut pas entendre parler de retraite ; il est là chaque matin à 9 heures, « au pied du canon » ; il s’en ira un peu avant 22 heures.

Malgré les doutes, les incertitudes, les problèmes ou les drames de notre Monde, toutes ces personnes font face à leurs propres difficultés et à celles de leurs contemporains avec nerf, désir d’utilité et dans le souci de bâtir ; quel privilège !

Une vraie leçon d’optimisme.

Face à cela, découlant de cette sagesse collective probablement présente aussi dans notre vieille Europe, la cure des malheurs actuels de l’Occident et de l’humanité devrait, pour nous occidentaux, être un apéritif.

Or il n’en est rien.

Notre société française, en particulier, à l’égal de la plupart des sociétés occidentales est, elle, profondément fracturée par une barrière culturelle et mentale. Une partie importante de ses citoyens ne peuvent ou ne veulent souscrire aux prescriptions élémentaires d’un État laïque, démocratique et raisonnablement redistributeur. C’est autour de ceux-là, que, sans grande rationalité se construisent de nombreuses et furieuses oppositions toujours passionnelles et irrationnelles ; de plus en plus souvent brutales, voire factieuses.

C’est ainsi que l’hystérisation du débat public voue à l’échec toute Politique « articulée ».

Cela est d’autant plus malheureux que les questions posées à la société civile sont d’abord techniques avant d’être morales ou philosophiques.

Pour la classe politique française la recherche d’une cohérence pratique entre les questions socio-économiques rationnelles et le paysage philosophique reste inaccessible. Le psychodrame orchestré chaque fois qu’il faudrait procéder aux arbitrages financiers nécessaires à l’équilibre du système de retraite par répartition en est une caricature. Celle qui va avec l’ininterrompu déficit des finances publiques depuis un demi-siècle, ou avec l’incapacité de réformer un État aussi complexe que pléthorique et infra-performant. Celui-là même qui ne sait ni ne peut plus recruter de bons agents. Faute à l’absence de perspectives d’action claires pour ses exécutants, faute d’’une définition de « terrain » des objectifs de la puissance publique et d’un système d’évaluation et de sanction rigoureux des performances des organisations, fonctionnaires et agents publics ; enfin, faute de la considération que doit la collectivité à ceux qui dédient leur vie professionnelle au service de tous.

Un autre facteur s’oppose à la rationalité. La profonde mutation que la société numérique nous fait subir contribue à « pétrifier » les opinions publiques et les dressent contre toute évolution des États, de leurs Lois comme de leurs Institutions politiques.

Cela, très bizarrement, alors que tous les savoirs sont plus facilement que jamais accessibles à tous, le niveau de connaissance moyen régresse en tout cas en Occident.

L’humanité fait un usage sans discernement de l’accès au monde numérique ; elle se tourne vers les divertissements les plus rudimentaires, ou les « influenceurs » les plus discutables.

Nulle recherche de nuance ou de finesse de comportement. Le phénomène est particulièrement patent sur les chaînes d’information où se bousculent gourous et prophètes ; modestes « pigistes » d’un savoir éculé qui préfère le confort du commentaire à l’inconfort de l’action pesée et structurée.

Dans ce cadre hélas profondément stérile, ceux qui se sentent honnêtement en charge des autres, n’ont d’autre choix, sous les quolibets, que de promouvoir l’action, le risque et la lucidité pour le plus grand nombre possible.

Confrontée à une guerre qui lui a été déclarée par une Russie plus ou moins appuyée par les deux premières puissances démographiques, l’Europe déjà seule doit en plus faire face à la menace existentielle qu’une partie importante de sa population ne voit ni ne croit.

L’histoire de l’Eurasie se résume à une lutte entre nomades et sédentaires ; aujourd’hui les Russes sont redevenus Varègues et Mongols.

Allons le raconter et l’expliquer à tous.

Reconstruisons nos États et leurs finances.

Défendons-nous.

C’est urgent et vital.

Quos Jupiter perdere vult dementat prius.

Pierre Brousse

26 mars 2024

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