À la recherche de la providence

Pierre Brousse

HIVER 2025

Les soubresauts du monde sont de plus en plus détonnants.
L’observateur de l’Histoire aspire à comprimer temps long et temps court. En ces jours de décembre c’est bien tentant.
La houle de l’Histoire dessine un filigrane assez lisible ; mais la claque des vagues, produit des évènements, génère une « écume brumeuse » qui brouille faits, causes et conséquences.

LES TEMPS LONGS

En Afrique, les guerres, le désordre, le désespoir, le fanatisme, l’oppression, la pauvreté continuent de dominer. Soudan, Éthiopie Grands lacs, Mozambique, Nigeria, Niger, Mali, Tchad, etc….

Presque partout, les peuples sont pris dans un nœud coulant tressé par le climat, la démographie, le désordre économique, politique et social. La religion, le tribalisme, la corruption et la pauvreté apportent une contribution variable au garrotage.

Presque partout les ressentiments post-coloniaux servent d’argument et d’exonération aux élites locales. Ces « rentes » mémorielles sont paradoxalement de plus en relayées par une partie des opinions publiques occidentales. Pour ces dernières le mobile est électoraliste et domestique. On recherche le désordre qui appellera un ordre nouveau.

C’est particulièrement le cas en Grande Bretagne, en France, au Bénélux, en Italie, aux États Unis.

L’Amérique du Sud aux immenses richesses, s’enfonce chaque jour un peu plus dans une misère brutale. Bien que le « big stick » américain ait perdu sa vigueur tutélaire, ce sont des régimes le plus souvent extrémistes qui oppriment presque partout. On utilise sans limites l’image des « accapareurs » contre les « descamisados ».

Et tous, riches et pauvres, fuient vers le continent nord, patrie supposée des opportunités et de l’argent facile.

Ils vont y retrouver pauvreté et oppression dans une société culturellement fracturée, rongée par les psychotropes, tentée par un isolationnisme xénophobe et sévère qui ne distinguerait ni alliés, ni concurrents, ni adversaires.

Le prix Nobel 2024 Daron Acemoglu trouve une des racines du désordre actuel dans « l’encomienda », modèle de servitude importé par les conquistadors qui a dévalorisé la valeur travail et éloigné le monde hispanique du monde anglo-saxon. Il a raison.

Les États Unis d’Amérique vont bien. La première puissance économique et militaire, malgré une société civile ayant perdu les repères d’hier et rongée par le doute, conserve fière allure. Suralimentée en énergie fossile, au dollar non convertible, et au fast-food, elle continue un parcours économique très spectaculaire à la pointe du progrès technologique et de l’économie numérique.

Son modèle culturel surclasse tous les autres. Les graves échecs du dernier quart de siècle sont quantité négligeable. Son président élu, septuagénaire bientôt octogénaire, dispose d’une légitimité indiscutable et du contrôle total du Congrès. Ses soixante-quinze millions d’électeurs sont en symbiose avec lui en dépit de parcours personnel, professionnel et présidentiel antérieurs à tout le moins peu convaincant. Bizarrement sans connaître autre chose que des bribes illisibles de son projet politique, le monde attend, posé et pétrifié, ses nouveaux premiers pas à la Maison Blanche.

L’occident face aux coûts exponentiels de sa protection sociale est confronté à terme plus ou moins bref à la remise en cause de son modèle d’État providence.

L’Europe, quant à Elle, comme dans les mémoires d’Angela Merkel ou le testament d’Anne Hidalgo : « Elle a tout bien fait » !

Ses dirigeants politiques sont à quelques exceptions près, soit de brillants sujets académiques à l’écart de la vie, soit des imposteurs verbeux. Sûrs d’être infaillibles, presque toujours abouliques, ils sont souvent entrés en politique pour se mettre à l’abri d’un déclassement.

Les vraies élites vivent à part, la plupart du temps discrètement loin des affres d’une vie publique qui dévalue plutôt qu’elle gratifie. Tout effort pour embrasser une cause, grande ou petite, est soumis à la vindicte de foules lassées et facilement instrumentalisées par des démagogues avides.

Ailleurs, les grands peuples d’Asie poursuivent des trajectoires divergentes.

La Chine est aux prises avec forte chute démographique, net ralentissement économique accompagné de tensions financières péniblement masquées. Elle est à la recherche d’un projet qui dépasserait une domination Han sur un espace naturel indéfini et élastique, et des « tributaires » plus coûteux que profitables. Elle s’enfonce dans un « communisme impérial », autoritaire et kleptocratique qui durera autant que son oligarchie, consumée doucement mais sûrement par l’âge, et menacée par d’inévitables revers de fortune.

L’Inde puissance montante à la démographie écrasante cherche avec difficulté à maitriser un espace géographique et confessionnel lui permettant de déployer l’excellence de ses élites. Elle veut et peut capitaliser sur une domination de l’Océan qui porte son nom et jouer un rôle majeur en Asie centrale.

Un super empire Mogol ! Du coté de New Delhi on rêve de Bâbur, il se réincarnera c’est presque sûr.

L’HISTOIRE INSTANTANEE.

La Russie s’épuise, l’oligarchie de Moscou interroge le coût de la guerre en Ukraine, lasse la cour du Tsar et épuise le peuple. Combien de temps le knout tiendra les Russes et à quel prix le soutien du sud Global est-il acquis ?

D’autant que les revers, petits et grands, s’accumulent, de l’Arménie à la Moldavie, de la Roumanie à la Géorgie. La perte de la Syrie est celle d’une pièce maitresse.

La Russie n’aura ni su, ni pu, protéger un allié clef, elle est nue. Dos au mur vaille que vaille, Elle va essayer de ne pas perdre ses « balcons » militaires de Tartous et de Lattaquié et aussi se garder d’un nouveau Djihad capable de ranimer le feu Islamiste qui couve toujours dans le Caucase du Nord.

D’Alep à Deraa et de Tartous à l’Euphrate, la Turquie est le premier vainqueur. La Sublime Porte y regagne des Territoires abandonnés il y a un siècle. Elle a les mains plus libres pour « casser » du Kurde, dominer les sunnites.

Pour l’Iran c’est la débâcle ;

Le régime de Téhéran, à peine un lustre plus jeune que celui des Assad, vacille maintenant depuis l’extérieur. Ses vassaux, Assad, Hamas, Hezbollah, Houtis, sont détruits ou en passe de l’être. Il faut accélérer la fabrication de la « Bombe » et durcir encore la répression, pas le choix !

Le monde sunnite avec bons et mauvais génies reprend la main ; Israël souffle ; les déséquilibres de raison et de passion demeurent, les fractures entre peuples et dirigeants aussi.  On verra.

Al Golani, ex-terroriste d’Al Quaida, encore « tenu » par Erdogan rêve d’un nouveau califat Omeyade.

Va-t-on éviter une partition de la Syrie, un déchiquetage du Liban et une nouvelle terreur ? En tout cas cela promet de nouveaux combats et de nouvelles horreurs.

Les désordres nouveaux sont tels qu’un pacifique équilibre n’est pas en vue avant longtemps.

Enfin, une bonne nouvelle, le clan criminel Assad qui jusqu’au bout est resté fidèle à son mentor Nazi Aloïs Brunner a cessé assassinats et tortures. Il faudra nous souvenir de TOUS ses supporters occidentaux.  Il est dorénavant poursuivi par la justice :La Haye plutôt que Nuremberg.

La justice doit passer.

PERSPECTIVES « COURTES »

Le monde dans son ensemble, lutte dans le désordre pour inventer un paradigme permettant une entrée ordonnée dans la société numérique. Il s’agit de retrouver une maîtrise réelle des savoirs pour s’offrir la possibilité de renouer un « nœud démocratique » entre citoyens.

Aussi, autre « détail », sur le seul sujet d’intérêt universel : le réchauffement climatique, le Monde et ses COP reste incapable de définir et d’appliquer une politique environnementale simple, intelligible et efficace pour lutter contre le réchauffement climatique par la limitation de l’émission de gaz à effet de serre.

Premiers responsables du désastre hélas : les peuples !

Chacun a une bonne raison de ne rien faire.

Surtout ne pas payer une taxe carbone mondiale.

Pas plus que la recherche de nécessaires nouveaux équilibres géopolitiques, le temps long n’intéresse pas grand monde.

Très bonne année 2025

PIERRE BROUSSE

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