LES LOUPS ET LES CHIENS
La tentation de l’opulence du loup s’est évanouie face à l’évidence de la liberté.
La vie des Européens, notre vie, devra un temps se résumer aux jolis vers de M. de la Fontaine :
« rien d’assuré ; point de franche lippée,
Tout à la pointe de l’épée. »

Dans une jolie formule le Président Macron a dit à Lisbonne qu’il n’y a pas de vassalisation heureuse. C’est bien là, hélas, que trouve sa source depuis quatre–vingts ans le malaise actuel de la plupart des sociétés civiles européennes.
Même si beaucoup des citoyens européens se sentent proches des Hillbillies (1), ils rejettent le traitement méprisant et vulgaire infligé à l’un des leurs par – comme le dit l’Ambassadeur Michel Duclos- des « petits mecs », des « petits boutiquiers » du Bronx ou du Midwest qui miment Al Capone en train de « convaincre » un Irlandais récalcitrant de lui céder une part de territoire.
Que s’est-il passé à Washington ce dernier vendredi ? Simplement le moment d’Histoire qui a vu le renversement d’une Alliance pluriséculaire.
Déjà par leur vote du 24 février 2025 aux Nations Unies les Etats Unis se sont joints à la Russie, la Corée du Nord, l’Erythrée, le Mali, le Soudan, le Nicaragua, le Niger et le Soudan pour voter contre une résolution appelant à la paix en Ukraine. Ce fut contre le reste du monde ; simple, clair, honteux et stupéfiant mais suffisant pour que les démocraties comprennent que cette superpuissance qu’ils ont contribué à créer au fil des deux cents dernières années les avait déjà trahis.
Au-delà d’un possible calcul antichinois, cette inclinaison américaine n’est pas nouvelle. Après les mandats Clinton l’opinion publique américaine et le Département d’Etat se sont repliés vers leur nature profonde : une obsession de l’Ouest Pacifique mâtinée de beaucoup d’isolationnisme.
Cela malgré plus de déboires que de succès dans cet axe.
Car, au fond, depuis la victoire sur le Japon, les USA ont été souvent à la peine ; un difficile match nul en Corée, l’échec du Viet Nam, de l’Irak, de l’Afghanistan, et, en matière économique les réussites successives Japonaises et Chinoises ont participé à l’effritement de leur poids économique.
Si Clinton n’a pas cédé l’Europe à Eltsine qui la lui réclamait par écrit le 19 février 1999 lors du sommet Russie-UE, leurs successeurs ont bien décidé de « refaire le match ».
Même si nous, Européens, avons une grande part de responsabilité dans tout ce désordre. Rien ne sert de se lamenter et surtout donner des leçons. Il faut régler collectivement et avec courage les questions stratégiques qui influent et influeront sur la vie de quatre cents millions d’Européens.
Il faudra d’abord expliquer le plus clairement possible les enjeux à des opinions publiques qui ignorent leur propre ignorance sur ces sujets complexes.
Faire accepter et partager aux peuples Européens les efforts de toute nature qu’appelleront les affrontements hybrides et brutaux qui nous attendent. Tout particulièrement identifier et neutraliser les traîtres et les cinquièmes colonnes qui nichent à l’intérieur de notre camp démocratique.
Comprendre aussi, que ce « Grand Jeu » se joue à l’échelle de la planète, de Kiev à Taipeh, d’Ottawa à Mexico ou Caracas, de Nouméa aux Chagos, de Kinshasa à Khartoum, de Nuuk à Managua.
Enfin, dans la modestie et la discrétion s’assurer en permanence des intérêts et motivations de nos « vrais » alliés.
L’Europe encore liée au Royaume Uni a la chance de disposer de femmes et d’hommes d’Etat de bon calibre, apparemment capables de comprendre et d’agir.
Il sera bon d’être neuf, imaginatif et disruptif dans l’exercice.
On est traversé par l’heureux sentiment que face au danger les réflexes nationaux du vieux continent s’estompent au profit de la défense de libertés communes ; c’est inhabituel.
Comme le disait Letizia Bonaparte : « Pourvou qu’ça doure ». Espérons que le dénouement final ne nous mènera pas sur un îlot perdu de l’Atlantique sud.
Disons avec Cincinnatus : » Victoria ridet audere audax »
La victoire sourit aux audacieux courageux.
Pierre Brousse
Le 1 mars 2025
- Emprunté au titre du livre de J.D. Vance : Hillbilly Elegy