A propos de Hong Kong : Anschluss.
Percutant, dévastateur ; un grand merci à Jacques Julliard d’avoir fait resurgir ce mot, ce souvenir, cette blessure, cette honte, dans son article décapant du Figaro du 5 juillet 2020[1].
Il est probablement difficile pour un occidental de comprendre le président Xi et son cercle d’apparatchiks. Mais la violation du traité sanctionnant le Hand-over de Hong Kong sonne bien comme une erreur.
Quel enjeu représente cette ile minuscule à l’embouchure de la rivière des Perles adjointe à un petit territoire sans grand intérêt ? Quel risque de maintenir vingt neuf ans de plus un régime presque démocratique pour une poignée d’habitants qui vivent dans un mode plus occidental que chinois ? Décidément mainland se sent bien faible et ses dirigeants bizarrement apeurés. On ne voit pas bien pourquoi tant d’émoi ; sauf si cela n’est que la pente naturelle, autoritaire et vaine, d’une dictature policière presqu’ordinaire.
L’irrédentisme chinois peut être sans limites. Après tout, les dynasties Mongoles ont à un moment dominé presque toute l’Eurasie, pourquoi donc ne pas revendiquer des droits sur tout le continent ?
Si les Sudètes ont suivi l’Autriche et Memel les Sudètes, demain ce sera le tour de Taïwan, après demain pourquoi pas celui du Tonkin, de la Mongolie et la Corée.
A quand Stalingrad ?
Deux porte-avions américains croisent en mer de Chine. Trump et Pompéo font des moulinets, mais même en simple traîneurs de sabre ils manquent de fond.
Au nom de quelle légitimité affronter la Chine ? Les élites américaines et leur population ignorante de la géographie sont-elles capables des sacrifices que cela comporterait ?
On hume bien plus du Daladier et du Chamberlain que du Churchill.
Et enfin, peut-être, n’y aurait-il pas un fumet de pacte façon germano-soviétique ?
Nous européens devons être beaucoup, beaucoup plus vigilants. Le carcan des traités dans lesquels les vingt-sept demandent à Josep Borell d’évoluer doit être impérativement assoupli ou modifié très rapidement. Aucun des pays du continent n’a seul la force d’un affrontement avec les super grands alors qu’unis nous valons plus que chacun des deux.
Au travail, debout les européens !
A propos du Covid-19 : jours d’après.
En occident, sur l’après Covid-19, les observateurs de plume et de poil sont à la manœuvre.
Les éditeurs sont sur les dents, partout dans notre planète occidentale les bons esprits veulent communiquer.
Une crise, une bonne crise historique, c’est du chiffre d’affaire, c’est une affaire.
Pour celle-ci le marketing est facile « depuis 1347 nous n’avons pas connu de pire pandémie ».
Si on est un peu agacé par ces marchands (d’idées) du temple, néanmoins il s’est bien passé, il se passe quelque chose de spécial.
Quelle société pour demain ? les révélations de la crise amélioreront-elles le lendemain ?
Malheureusement, la peur est là et demeure, toujours aussi pâteuse et misérable. Nos contemporains n’acceptent plus d’envisager la perspective pourtant bien naturelle de la mort par maladie, on préfère la mort par la misère, non pas qu’elle soit plus douce mais parce qu’elle est plus lointaine.
Le premier mouvement est bien de capituler devant un virus qui tue peu !
On ne dit pas qu’il ne fallait pas confiner, se replier, reculer. On dira simplement que lorsque, la prochaine fois qu’un confinement sera à l’ordre du jour il faudra bien faire autre chose pour éviter une mortelle misère.
On devra échanger repli contre débâcle.
Si les gens ont été, plutôt plus que moins, disciplinés il est frappant de voir que leur immense majorité n’a pas du tout compris les raisons pratiques et de principe du confinement. Cela a aggravé, particulièrement en France, le sentiment qu’ils sont, dans leur ensemble, pris pour des crétins manipulables – ce qui n’est souvent pas faux – particulièrement grâce à internet.
C’est bien cette fracture culturelle qui a montré la plus grande béance. Non pas que des gens se sont réveillés un jour d’épidémie plus ignorants que la veille ; mais que les autres, à leurs yeux les mauvais, ceux qui exercent les pouvoirs politiques, sanitaires, économiques, médiatiques, policiers et judicaires commencent à parler ouvertement de leur coupable ignorance.
En France dans notre société déglinguée et pétrifiée, peu plaident pour regarder simplement les problèmes et rechercher une solution consensuelle a minima.
Pis encore, sans honte, les citoyens désertent les urnes : abstention supérieure à soixante pour cent au deuxième tour des élections municipales du mois de juin.
Le « salauds de pauvres » de Jean Gabin de la « Traversée de Paris » devient « salauds de pauvres d’esprit ».
Sur ce champ de ruines comment retisser rapidement un lien pour éviter que notre société démocratique ne s’effondre ?
La France de Fourquet[3] est proche du Royaume Uni du Brexit, de la Pologne du PIS, de l’Italie de Salvini, de l’Espagne de Vox, de l’Allemagne de l’AFD.
La plupart des ignorants ne voient aucun bénéfice à la vie en démocratie. On ne peut pas leur en vouloir de ne pas comprendre, la démocratie n’est pas un happening c’est un gouvernement qui doit poser les problèmes et les régler en utilisant le cas échéant la contrainte et « la force injuste de la Loi ».
Le confinement a permis de pressentir que la transition écologique, n’en déplaise à M. Védrine[4], ne pourra être qu’un processus contraignant pour ne pas dire punitif et que notre Etat, si couteux et néanmoins déficitaire sans interruption depuis près d’un demi-siècle, est largement inefficace.
Ses administrations, son outil, ne sont plus peuplées que par les recalés de la globalisation.
Il suffit de se pencher sur les organigrammes des Agences de santé et le résultat de la gestion de la pandémie.
De savoir que sans vergogne, des magistrats à l’abri de toute sanction font espionner les téléphones d’avocats !
Que la police hésite entre pas ou trop de répression.
Que nos enfants sont toujours plus ignorants mais n’ont jamais autant réussi au Baccalauréat.
Que sans le moindre état d’âme les babyboomers non seulement saignent les jeunes générations pour qu’elles paient leurs retraites, mais aussi leur transmettent des dettes publiques abyssales. Et presque tous refusent simplement de regarder en face les quelques chiffres qui en disent long sur leur collective irresponsabilité.
Enfin même le souci de la protection de la nature et de la planète ne correspond à rien d’autre qu’a une idée très vague sur une problématique très précise.
On vote pour le parti animalier ???? mais on n’accepte ni la taxe carbone, ni le renoncement aux vacances.
On ne connait ni les mérites de l’énergie nucléaire ni les défauts du charbon ni la charge polluante des batteries et panneaux solaires.
Ignorance, ignorance coupable, ignorance militante, élites évadées de leurs responsabilité, morales absentes. C’est le parti animalier qui est en pointe, il contribue au retour à l’état animal des êtres sociaux de jadis.
Les jours d’après devront être le combat pour la sauvegarde de notre civilisation européenne.
Pierre Brousse
Saint Gildas le 10
juillet 2020
[1] Jacques Julliard : « La crise de la conscience républicaine » » le 5 juillet 2020, Le Figaro.
[2] Kishore Mahbubani, 2020, Has China Won. The Chinese Challenge to American Primacy, PublicAffairs, 320 pages. Livre appliqué à la relation Chine USA ; il redémontre que la plupart du temps on ne gagne que grâce aux erreurs de l’adversaire.
[3] Jérôme Fourquet, 2019, L’Archipel Français. Naissance d’une nation multiple et divisée, Seuil, Paris, 384 pages.
[4] Hubert Védrine, 2020, Et après, Fayard, Paris, 144 pages.