La Gazette Covid-19 – 10 Tseu-Hi vengée ?

Pierre Brousse

Ce samedi 7 novembre, il est 17 heures 26 sur mon fuseau horaire et je me bats avec mon clavier depuis deux heures pour ajouter un article à cette gazette.

Durant les trois minutes suivantes quatre petits messages fleurissent sur mon écran. Jo Biden a gagné les vingt grands électeurs de la Pennsylvanie !  la messe est dite.

Il est le Président élu des États Unis en cet instant ; 17 29 CET.

Le premier sentiment est mélangé.

Il est certain qu’il vaut mieux avoir à la tête de l’État suzerain un homme bien élevé et articulé, et pas nécessairement malveillant à l’égard des européens.  Le style presque toujours frontal de l’administration Trump à leur égard, sa stratégie de la rupture, sa simpliste protection des intérêts américains sont de précieux aiguillons.  Ils peuvent accélérer la nécessaire construction d’une puissance Européenne cohérente et stratégiquement autonome.

Au fond, à son corps défendant, une administration américaine isolationniste et anti européenne accélère notre sortie d’une vassalité qui nous est imposée depuis un tout petit peu plus d’un siècle.

En particulier, le dernier mandat n’a fait qu’accélérer un mouvement d’éloignement nettement engagé depuis une vingtaine d’années.

Doit-on et peut-on regretter la défaite de la vulgarité la plus rudimentaire ?

La regretter, certainement pas nous disent âme, Histoire et morale.

Absolument nous dit le plus glacé des réalismes politiques.

Et gardons à l’esprit que ce n’est pas en Europe que la politique impériale américaine a enregistré ses plus cuisants échecs. Chine, Corée du Nord, Asie centrale, Moyen Orient disent bien le contraire.

USA, Chine, UE et quelques autres ; l’impuissance relative

D’abord pointilliste puis petit à petit affirmé le chaos stratégique s’installe.  Les aspirations « impériales », les « charmes » de la démocratie illibérale, la nostalgie des dictatures, le lâcher prise « américain », la « fatigue et la paresse » des démocraties européennes, le dynamisme et l’efficacité des démocraties extrême-orientales, ont ouvert l’espace à toutes les formes d’irrédentisme et d’aventurisme.  C’est la rançon de la disparition des blocs.


Cela s’est accompagné de la prise de conscience d’un nouvel état économique social et culturel qui travaille en profondeur les sociétés civiles.

La Russie rênes longues

On voit combien il est difficile, de gouverner cet immense pays construit autour d’une économie de rente. Le réalisme des gouvernements post-communistes les écartent du rêve soviétique ;  mais la géographie leur impose l’ordre aux frontières.  Or, le pays n’a pas les moyens de « tenir » son territoire comme dans l’après-guerre ;  particulièrement en période de pétrole bon marché.

Aussi, Moscou développe un premier rideau de gouvernement « jugulaire-jugulaire ».

C’est l’autoritarisme façon Potemkine, le village est en dur mais ses habitants sont des acteurs.

Le deuxième rideau, hiérarchiquement subordonné au premier, est composé de proconsuls et d’administrations tenues, faute de mieux, « rênes longues ».

Ce mode fonctionnement, façon « fermes générales » aux avantages du « poids de la botte » et les inconvénients de la corruption et des risques de sécessions.

En troisième rideau, il y a le « bunker économique » habité par les oligarques qui d’un côté filent doux et de l’autre font patiemment valoir la couteuse gêne de leursimpedimentae vis-à-vis du pouvoir central.

Pour cela, ces principaux bénéficiaires du régime utilisent tous les leviers comme la guerre entre les services, par exemple GRU contre FSB , ou le noyautage des administrations régionales.  Cela ne va pas sans inconvénients pour le pouvoir central lorsqu’apparaissent des opérations type Navalny ou Skripal qui ouvrent des fronts diplomatiques malvenus.

Alors on est à la peine face à une révolte Kirghize difficilement contenue.

On est impuissant face à l’imprésentable Biélorussie pour laquelle on ne sait inventer ni solution politique ni solution répressive.

On gère au mieux les feuilletons Caucasiens sans pouvoir s’affirmer face à l’Ottoman qui agresse les piliers de la religion orthodoxe et gagne la guerre d’un nouveau type, assez techno-frugal : drones et mercenaires.

On patauge au Donbass, on mouline à Port Soudan ; on souffre pour conserver les bénéfices de la grande victoire Syrienne ;  mais les mercenaires Wagner se débandent dans le désert Libyen. On s’engage dans des dépenses militaires disproportionnées avec une richesse économique comparable à celle de la Hollande.

L’image générale donne à peu près ceci.

Vu du Kremlin, « c’est pas facile », mais on tient tant que Vladimir est en forme.

Vu d’une Europe souvent roulée dans la farine des moujiks on pense : « c’est difficile pour nous », mais cela pourrait être pire.  L’essentiel n’est plus en jeu. Il est bien regrettable d’en être là entre Chrétiens, Européens, voisins et clients.

La Chine au combat 

Comme depuis cinquante ans l’empire du Milieu est à l’attaque.

Il est devenu ce mois-ci le pôle économique dominant de ce cœur du monde qui s’étend du détroit de La Pérouse au détroit de Malacca et qui englobe aussi Japon et Australie et qui produit plus de la moitié de la richesse mondiale.

A sa périphérie il liquide silencieusement le peuple Ouighour dans un calcul court-terme que l’Histoire lui fera probablement payer très cher, par les peuples turcophones de la steppe et par la morale universelle.

Il viole le droit international à Hong Kong et en mer de Chine. Il reprend une posture agressive sur Taïwan et au sud du Japon.

Il s’appuie sur de rares alliés douteux, la Corée du Nord et l’Iran, et aussi poursuit la danse de la dette et de la corruption en Afrique et ailleurs.

Bien que responsable par ses négligences et ses abandons d’une cruelle pandémie, il est capable d’exceptionnelle démonstration d’organisation collective. Sans pour autant dire la vérité avant, pendant et après.

Que de génie, de talent et de puissance gâchés !

A côté du meilleur il y a du moins bon : l’économie réelle. Les démêlés industriels et autres de Huawei, le déséquilibre des institutions financières illustrées par le récent rappel à l’ordre de Jack Ma, ou la profonde fracture qui continue d’exister entre villes et campagnes.

Suivant un schéma historique récurrent, la prochaine première puissance économique mondiale commence-t-elle à être menacée par son tropisme centrifuge ?  Les lois de la gravité historique existent.

Un « jeune » Ottoman

La Turquie d’Erdogan utilise les vieux ressorts nationalistes et religieux intégristes pour régler de vieux problèmes intérieurs.  

Atatürk s’en retourne dans sa tombe.

Pour Ankara il est nécessaire d’occuper militairement un peu de Syrie, de Libye, de Chypre et beaucoup de Méditerranée ; de manipuler un Azerbaïdjan qui face à l’Arménie consacre la guerre du futur : drones et mercenaires supplétifs, transferts de population, terres brulées.

Enfin, il faut provoquer la Grèce, trahir l’OTAN et rançonner l’Union Européenne.

Sur le plan intérieur c’est beaucoup moins bien : une économie à la peine, vassale du grand marché européen, une monnaie exsangue, et des finances publiques en jachère.

Cette attitude et cette politique de fuite en avant restera payante tant que les américains seront complaisants, les Russes coopératifs, et tant que les européens particulièrement Allemands seront naïfs et simplistes.

La dévaluation de la monnaie et le désordre politique intérieur peuvent achever un régime autoritaire dont la popularité repose sur une alliance brun-vert bien peu moderne.

A nous Européens de donner les coups d’épaule nécessaires à une normalisation.  Là encore, la situation politique Mer Noire/ Mer Méditerranée/Mer Rouge (ah ! la fascination des détroits !) procède d’inclinaisons historiques très connues, et bien étudiées, elles sont toujours à l’œuvre ; utilisons-les.

Miscellanées

  • L’Inde à la dérive sanitaire découvre son infériorité stratégique face à la Chine. Comment réagir avec peu d’alliés et peu de volonté culturelle et politique de construire des alliances stratégiques ? S’attaquer au monde musulman et à son voisin chinois en même temps parait un peu aventureux. Celle ou celui qui pourra doter l’Inde d’une réelle diplomatie coopérative méritera beaucoup de l’Union Indienne.
  • Presque voisine, la Thaïlande, vieux pays qui a remarquablement réussi à la sortie d’une guerre qui l’a très mal placée aux coté du grand perdant entame une révolte contre sa dictature militaire et sa monarchie vermoulue.
  • L’impossible dossier du Levant poursuit un parcours qui aura récemment consacré Israël comme partenaire des riches pays sunnites ; tandis que le Liban et la Palestine sont de plus en plus privés de perspectives décentes.
  • L’abandon de l’Afghanistan et de l’Irak par les américains consacre la victoire des talibans à Kaboul et rapproche l’Irak d’une partition confessionnelle. Enfin en éloignant les troupes régulières des zones de combat grâce à un recours de plus en plus massif et organisé aux mercenaires, on éloigne l’image et la perception de la guerre de ceux qui la décident et la font faire de l’extérieur. 

L’implication limitée des superpuissances ou de structures supranationales est le grand drame de tous les pays faibles.

On peut dire qu’aujourd’hui, tout particulièrement, c’est surtout l’imagination, la cohésion et le dynamisme social qui leur manquent.

Un nouveau regard et une nouvelle praxis des Européens sur ces zones qu’ils arpentent depuis bien longtemps est indispensable. Ils doivent construire une nouvelle stratégie la plus épurée possible pour être intelligible (même si pour certains l’Orient compliqué appelle une pensée compliquée). Cela permettra d’accompagner une neutralisation mutuelle de ces pays, a coût minimum.

Ceci restera accessible tant que leur poids économique sera comparable à ce qu’il est aujourd’hui, c’est-à-dire faible.

Une petite révélation politico-stratégique un besoin « d’intérêt public »

Dans la lutte contre la pandémie, les régimes kleptocratiques Chine et Russie se sont exposés. La différence de résultat s’est faite plus du fait de la qualité ou de la non-qualité de la classe dirigeante que du type de gouvernement.

Vu de haut, la réaction aux conséquences de la pandémie a montré une incontestable supériorité politique et administrative des démocraties d’extrême orient. Les régimes autoritaires ont eu un petit avantage dans la gestion quotidienne une fois la nouvelle connue. Ce sont les vieilles démocraties occidentales qui ont montré la faiblesse intrinsèque de leurs États profonds et de leurs administrations. USA, Italie, France, RU, Suède, Inde, ont étalés leurs carences pratiques et une obésité administrative. Cependant on doit à l’honnêteté de reconnaitre l’efficacité et la rapidité de leur réaction macro-économique.

Les errements intérieurs ne sont pas sans incidences extérieures. Ils encouragent l’aventurisme des puissances moyennes, remplissent de confiance les faibles qui à leur tour s’engagent sur les voies sans issues (pour eux) de la confrontation.

Il faut à tous des élites (au sens de Marc Bloch (1)) capables de dessiner de façon claire et intelligible pour tous : l’intérêt public.

La chute des États Unis d’Amérique

Toujours première puissance économique et technologique et première puissance militaire les USA s’étiolent.  Leur faiblesse désoriente le monde.

Construit sur des institutions démocratiques très solides autour d’un socle aristocratique d’obédience intellectuelle européenne, les États Unis terminent leur siècle d’absolue domination du monde dans un triste état, à l’intérieur mais aussi à l’extérieur.

Au-delà d’élections contestées sans base par l’administration battue, les derniers mois ont étalé la profonde fracture de la société américaine, et l’ont menée au bord de la guerre civile.

Miasmes d’une ségrégation raciale pas complètement éradiquée.

Difficultés et complexité d’acceptation de communautés latino et asiatiques.

Précarité des classes moyennes en limite de pauvreté.

Malaise profond persistant dans les zones désindustrialisées type Rust Belt.

Recul violent des industries classiques construites autour du charbon de la chimie ou du pétrole ; avec leurs conséquences en termes d’activité et d’emploi peu qualifié.

Fossé culturel béant entre les États côtiers et l’intérieur.

« Soigner », « Healing » voilà le maitre mot, pour éviter, violence, guerre civile et sécessions.

Cette vraie démocratie qui s’est constituée dans la réflexion a eu la plupart du temps un fonctionnement institutionnel exemplaire et un pouvoir d’attraction-universel non démenti depuis sa création.

Ce rayonnement lié à sa puissance a engendré un empire qui la nourrit et sur lequel elle revendique une suzeraineté univoque voire prédatrice.

Le développement d’un hubris de plus en plus démesuré, a comme toujours miné la belle construction.

La posture, devenue quasi caricaturale, de ces quatre dernières années précipite les phénomènes de désagrégation dans le pays et dans l’empire.

Sauf à redéfinir un contrat social praticable à l’intérieur, et réaliser un aggiornamento de sa posture géostratégique à l’extérieur, l’empire américain et sa métropole risquent de souffrir et de se désagréger.

Ce sera la tâche du futur président. Nous Européens disposent de quelques atouts qui s’ils sont joués finement peuvent nous rendre notre indépendance.

La chute du Royaume Uni, vers la « Petite Bretagne »

Une lutte maladroite indécise contre le coronavirus peut rendre amnésique et conduire à la trahison.

Le cas du Royaume Uni est bien singulier.

Hier orgueilleux exemple de l’excellence en matière de comportement démocratique, le royaume de sa Majesté est tombé bien bas.

Au début de ce siècle un de leur Premier Ministre, à partir de grossiers mensonges, les emmenait comme supplétifs dans une guerre sans réel but.

Westminster, un peu plus tard convainquait l’Ecosse de ne pas quitter le Royaume – déjà moins Uni qu’il y paraît – pour n’avoir pas à affronter une sortie simultanée de L’Union Européenne et de l’Union.

Sagement plus de 55% des Ecossais décidèrent de demeurer à l’intérieur d’une alliance vieille de trois siècles.

Quelques années plus tard les mêmes Ecossais, avec constance, à peu près dans la même proportion votaient en faveur du maintien du Royaume Uni dans l’Union Européenne.

Sérieux paradoxe.

Cette culture d’archipel, comparable à la japonaise, que nous continentaux avons du mal à envisager est aussi, profondément fracturée.

Sa classe moyenne inférieure est concurrencée à l’intérieur par une immigration souvent européenne, très motivée et efficace. Depuis l’extérieur elle est sous pression des pays émergents. Son aristocratie marchande elle, a perdu le contrôle de la City et du commerce mondial au profit d’institutions européennes et américaines. Installées en Grande Bretagne.

Dans ces élans sur la base d’inexactitudes, une nette majorité d’Anglais emportait la totalité du Royaume à l’écart des institutions européennes.

On comprend bien pourquoi les xénophobies et le Brexit représentent une même bonne solution pour une bonne majorité du peuple Britannique.

L’élection du Parlement de 2019, qui a accusé le trait, est la parfaite illustration confirmatoire de cette prise de conscience.

Après de long mois de négociations chaotiques du fait de l’impréparation britannique et des incohérences de l’opinion publique un premier accord de retrait voit le jour.

« Cherry on the cake » le gouvernement de sa Majesté décide quelques mois plus tard de faire déclarer, devant le Parlement, par un de ses ministres, qu’il voulait violer ce traité qu’il avait lui-même accepté et négocié. Et d’aggraver son cas lorsque on apprend que les raisons invoquées pour justifier ladite violation étaient connues et avaient été étudiées en profondeur avant la signature dudit traité.

La patrie de la « rule of Law » ajoute la mauvaise foi au viol délibéré de la loi.

Hier la grandeur, les fastes de la monarchie, la frugalité du gouvernement, l’excellence du parlementarisme, la maîtrise de toutes les mers ; le culte de l’innovation, du commerce et de l’industrie.

Aujourd’hui tout cela est ramené au rêve d’une régénération Victorienne « globale » dans un entrelacs de relations bilatérales nouées, pense -t-on à l’exclusif bénéfice du Royaume.  Ceci défie les lois de la gravité économique. Au nom de Newton, on a du mal à y croire.

La déconfiture des deux premières démocraties du monde moderne rend l’attractivité du système démocratique beaucoup plus faible.

Pour des opinions publiques qui haïssent le changement, la crise de la Covid-19 a révélé les profondes modifications de la société mondiale « travaillée par le numérique.

Ne nous leurrons pas, la défection de la mère des parlements et de la démocratie américaine nous affaiblit dans la lutte principale qui s’est engagée face à la Chine.

C’est une pierre angulaire de notre civilisation qui se dérobe.

Pourquoi l’Europe ?

Au cours de ces vingt dernières années on a eu de cesse de déprécier la pensée de Samuel Huntington. Non, disions-nous, le « choc des civilisations (2) » ne se produira pas.

Cette vision du monde s’opposait à l’idée à laquelle j’ai, comme beaucoup d’autres cru. « La fin de l’histoire » (3) c’était la victoire des démocraties de type occidental sur tout autre type de gouvernement.

Une « floraison » de régimes autoritaires ou de dictatures plutôt agnostiques bien que d’essence judéo-chrétienne a conduit à un premier doute.

Le déchainement des terrorismes islamiques à partir du onze-septembre nous a confirmé que la démocratie n’était pas un modèle séduisant pour beaucoup.

Plus de trente ans après la chute du mur le monde en est là.

Conceptuellement l’humanité n’a toujours pas trouvé une martingale pour « régler » la chose publique.

Parallèlement un certain nombre de phénomènes naturels se produisent depuis près d’un demi-siècle en Occident.

On peut les résumer comme suit. Passée la secousse des deux guerres mondiales qui ont été un affrontement circonscrit aux puissances économiques et militaires les plus puissantes, leurs sociétés civiles, particulièrement l’Europe et les États Unis sont entrées dans un cycle d’enrichissement sans précédent, fondé sur l’automatisation des tâches de fabrication et la multiplication des services, accompagnés d’une diminution de l’utilité sociale des prolétariats autochtones.

Cette tendance lourde s’est accompagnée d’un enrichissement fort, mais relativement mal réparti, des pays les plus pauvres comme la Chine et l’Inde.

La captation de l’essentiel d’une richesse -sans précédent- ainsi créé par une élite culturellement dominante-dont le mode de vie cultive un entre-soi globalisé-crée une double frustration chez les classes moyennes occidentales. Ces frustrations sont le moteur principal des populistes et conspirationnistes.

Le sentiment d’exclusion ainsi développé chez les classes moyennes occidentales est très fort et très dangereux pour la stabilité des sociétés.

Dans certains cas il s’accompagne d’un sentiment d’inutilité sociale qui mine les plus faibles culturellement.  

La déliquescence des idéologies et des religions (cf. Fourquet) est un facteur supplémentaire de désarroi pour des populations issues de l’immigration, particulièrement leur « deuxième génération » peu intégrée et largement acculturée.

Frustration de ne pas pouvoir appartenir aux élites mondialisées, peur d’être manipulés par elles et crainte d’être remplacés par un sous prolétariat venu des pays pauvres. Là est l’angoisse des classes moyennes occidentales. De plus la généralisation d’internet qui donne l’impression d’un accès à la connaissance n’est pas une bonne « béquille » vers le savoir. Le phénomène, non régulé, non maîtrisé, a de fait détourné les populations du vrai débat d’idées en le confinant dans des cénacles de tout poil où les « mêmes parlent aux mêmes ».

C’est sur un désert culturel inattendu que se développe un populisme protéiforme sans projet, sans idéologie, sans appareil. Ses explosions sont violentes. Des gilets jaunes aux prouds boys en passant par l’AFD et les True-Finns, on cultive frustrations et craintes dans une pente qui oriente naturellement vers des modes de gouvernement dont la vraie démocratie et l’esprit des lumières sont les pires ennemis.

Notre combat contre ceux-là est sans issue tant qu’il sera dépourvu d’une structuration politique agnostique.

Pour nous européens c’est bien une construction politique, stratégique, économique bien articulée qui doit nous permettre de préserver notre vertu publique.

Je laisse à un suisse, éminent sinologue, esprit très profond, le soin de nous aider en nous livrant sa lumineuse vision.

« En Chine les forces de progrès, qui se sont continûment inspirées de notre tradition politique depuis une centaine d’années, ont subi défaite sur défaite. L’ambition des hommes qui sont aujourd’hui au pouvoir à Pékin est de les vaincre une fois pour toutes et de les affaiblir partout ailleurs. Leur premier intérêt est de faire disparaître toute idée susceptible de remettre en question leur pouvoir. Le fantôme de la liberté ne doit plus surgir nulle part. Leur deuxième intérêt est de faire main basse sur toutes les ressources qu’il leur faut pour faire de la Chine la première puissance et pour qu’elle le reste. Ils savent ce qu’ils veulent tandis que l’Europe ne sait pas où elle va. Elle n’a pas de vision de son avenir. Cette situation m’inquiète doublement. D’abord, parce que je suis européen et que l’Europe est menacée. Ensuite, et plus profondément parce si elle cédait aux mauvaises passions qui renaissent sans cesse en elle et aux puissances extérieures qui veulent la dépecer et la diviser, bref si elle perdait la maîtrise de son destin, quelque chose d’essentiel serait perdu » (4).

Il est difficile de penser plus juste et d’être moins inquiet que lui.

Particulièrement après la liste des observations précédentes.

Mais ce type de pensées montrent que nous ne sommes pas seuls et que l’esprit de lutte n’est ni mort ni vain.

L’Europe doit se doter au plus vite d’une autonomie stratégique.

Au travail !

Pierre Brousse

Paris le 20 Novembre 2020

Sources et références :

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