« Un homme ne se mêlant pas de politique mérite de passer, non pour un citoyen paisible, mais pour un citoyen inutile. »
Thucydide est à la mode et c’est justice.
L’utilité sociale est bien le critère essentiel autour duquel sont articulées toutes nos vies.
La crise consécutive à la pandémie a révélé l’état réel de notre société comme l’argentique révèle une image. Elle montre le résultat des évolutions passées et l’état du monde aujourd’hui.
La dimension sociétale est la plus tangible car c’est pour chacun d’entre nous la plus proche par son influence directe et immédiate sur notre vie quotidienne.
La révélation de vieilles, lourdes et longues évolutions est frappante parce qu’elle entraîne une avalanche d’interrogations complexes. Les réponses à celles-ci détermineront notre avenir.
Cette masse de questions universelles qui touchent tous les comportements nourrit réflexions, thèses, vues et théories. Il en va toujours de même aux points tournants de l’histoire. L’organisation sociale, c’est comme la guerre : « d’abord un exercice intellectuel ».
Le manifeste du parti communiste publié au milieu du XIXème siècle est corrélé avec le premier stade de développement de la société industrielle.
Aujourd’hui alors que le marxisme est moribond, non seulement du fait de ses maladies intrinsèques, mais surtout à cause de son divorce avec superstructures et infrastructures des sociétés du XXème siècle, il semble que les agitations de la pensée contemporaine ne font que travestir la rareté d’idées neuves. Il est profondément regrettable qu’alors que des questions nouvelles et vitales se dressent devant nous, il y a peu d’idées vraiment utiles au débat ou à fortiori à l’action à aligner en face.
La téléphonie mobile et l’internet ont marqué la fin de la société industrielle héritée du XVIIIème siècle.
Notre organisation sociale et la conception de la société s’est régulièrement modifiée depuis lors, à un rythme marqué par les innovations, les guerres et autres bouleversements qui ont affecté la relation de l’homme avec la production de biens et de services.
Cela a tracé un abîme entre l’ancien et le nouveau monde. Cette mutation globale a, comme toujours, pris son temps.
La deuxième génération numérique
La crise de la Covid-19 dévoile d’un seul coup le point précis où se place l’humanité tout comme les forces qui sont devant et autour d’elle.
Et alors que le monde affronte la deuxième vague – sous perspective vaccinale – tout comme en 1347 il est parcouru par la peur. Non pas que le niveau de létalité de la maladie soit très élevé. Rien à voir avec la grippe « espagnole » (américaine) du XXème siècle ou les pestes des XIVème et XVIème.
Le XXIème siècle, pointu technologiquement, est bien plus craintif que ses prédécesseurs.
En l’absence de vaccin et de traitement c’est le choix presque général du confinement qui est « logiquement » fait pour ralentir la contamination.
Depuis, la peur de la Covid-19, et les joies et les peines du télétravail s’enchaînent. L’interminable soupe au Brexit, la violence inepte des populistes, l’agressivité des régimes autoritaires et leurs rêves d’empires, le terrorisme islamique, la fracture démocratique aux U.S.A. et cætera, forment une autre cohorte d’accompagnement
Le maelström économique sans précédent qui en découle et dont les proportions ne sont pas complètement mesurables s’est ajouté aux incertitudes d’une période de « lourde » transition historique.
Il faut aussi relever que la catastrophe que nous vivons n’est pas liée, comme en 2008, à un disfonctionnement de l’économie et de la finance ni à l’autre sujet majeur pour l’humanité : le réchauffement climatique.
Elle est un phénomène naturel, presque banal qui génère une angoisse et une désorganisation sociale disproportionnée avec le nombre de ses victimes.
L’intermittence de la vie ordinaire pendant presque une année a suscité de nouveaux modes de vie, de travail, de nouveaux rapports de force. Nous avons sous nos yeux la révélation de ce que nous sommes et devenons après une génération d’économie et de vie « numérique ».
La fortune de Bill Gates et de Jeff Bezos confirme par elle-même les trente ans d’évolutions spectaculaires de l’outil informatique en matière d’impact sur l’organisation de la vie de 7 milliards d’hommes.
Comme toujours c’est la crise, l’imprévu cruel, qui permet de juger la réelle valeur des organisations, des hommes et des femmes qui les servent.
La crise, permet aussi d’évaluer la force et l’inertie des tendances.
Une première constatation est que bien que solides et prospères, les sociétés occidentales sont socialement profondément fracturées au point de douter d’elles-mêmes, de leurs valeurs et de leurs gouvernances.
La fracture se fraie un chemin dans tous les domaines, social, économique, financier, culturel et stratégique.
La révolution numérique simultanée avec la chute de l’Union soviétique qui aurait été la fin de l’histoire, a contrairement à ce que l’on a cru initialement le révélateur du Choc des civilisations.
Avec l’effeuillage des sociétés industrielles, nous sommes, presque à notre insu, depuis plus de quarante ans entrés de plain-pied dans l’ère du numérique.
Le phénomène couvre une génération, minitel fin des années soixante-dix, ordinateurs individuels dans les années quatre-vingt, téléphonie mobile et internet fin du siècle dernier, haut et très haut débit, block-chain, I. A. depuis.
La crise de la Covid-19 sera pour beaucoup dans le « ressenti » collectif.
La Covid-19 n’est pas le déclencheur de ce qui pourrait être une révolution, elle n’en est que le puissant révélateur.
Peu à peu, sous la lumière rouge de la chambre noire la photo argentique apparaît avec ses flous.
L’image est porteuse d’autant de secousses, de drames, de promesses et de succès que celles des mondes précédents.
Le nerf de la vie
D’abord, un mot sur l’économie, elle est le socle de Gaïa.
Si elle est le nerf de la guerre elle est surtout celui de la vie.
Ce n’est pas un hasard si depuis la nuit des temps, les principales thèses sur la politique partent d’une lecture de la corrélation de l’économie avec l’organisation sociale.
La société industrielle sur sa fin, a presque complètement assuré la survie des plus fragiles, le confort pour beaucoup, l’opulence pour certains. Cependant, comme il faut faire toujours mieux, les péchés capitaux étant inlassables, la répartition des richesses est sans cesse sur la sellette.
C’est Warren Buffet, Bill Gates et quelques autres qui le disent. Leurs voix pragmatiques devraient porter plus que celle de Thomas Piketty.
Néanmoins, tout s’accorde sur le fait que la clef de tout bon gouvernement est une répartition de richesse équilibrée, acceptable et acceptée par le corps social. On veut un bon compromis entre dynamisme collectif et dynamisme individuel. Quoiqu’on en dise, nos sociétés en mouvement ont finalement pas si mal approchée cet équilibre dans les pays développés.
Pas d’économie sans engrenage social et culturel.
Chacun sait que la recherche d’une harmonie entre économie et société humaine est le pied de l’arc en ciel. C’est en fait un gris, qui caractérise cette difficulté majeure du gouvernement des hommes dans lequel la gestion matérielle le dispute vite aux passions humaines et idéologiques.
Depuis la nuit des temps Antigone joue contre Créon.
L’unité du genre humain est un rêve. Toutes les cultures et les civilisations ne se valent pas.
Le coopérativisme grec, la société judéo-chrétienne, les structures monastiques du Moyen Age, l’esthétique de la Renaissance, la Réforme, les Révolutions des XVII et XVIIIème siècles, la mondialisation industrielle des XIX et XXème siècle, et enfin la révolution numérique ont forgé la société occidentale autour de son noyau dur démocratique.
Ceci qui ne peut et ne doit pas être comparé à d’autres modèles dotés d’une relation au pouvoir très différente du modèle démocratique, naturellement autoritaires et peu coopératifs, comme en Chine.
Ou, à d’autres en quête de paix sociale, qui sans pratiquer l’Augustinisme subtil ont recours à l’utilisation rudimentaire mais efficace de la vieille béquille religieuse dans l’espace social et politique.
On pense à nouveau que c’est un peu vite que l’on a enterré Samuel Huntington.
Plus près de nous encore, l’épisode de la présidence Trump dans son ensemble, et sur sa fin, montre la fragilité des meilleures constructions démocratiques et fait redouter un grand dévoiement de la praxis politique.
Plus nettement, ce mandat a non seulement mis en relief les fractures et l’enfermement de classe de la société américaine mais aussi celles des sociétés occidentales vassales.
Il a enfin clairement révélé par sa maladresse formelle un fait géostratégique soigneusement dissimulé : la suzeraineté américaine sur l’occident, entamée à Versailles, voici un siècle s’exerçait presque toujours au détriment des intérêts économiques et stratégiques européens.
Nos révélations « argentiques » d’un seul coup sont ciselées. Quelques mois auront suffi pour coaguler les essences de la vie de l’humanité en ce début de XXIème siècle.
Merci à la Covid-19.
Productivité délocalisée, nouvelle organisation sociale.
La cruelle mise en évidence des «bullshit jobs » est bien cette petite pointe d’iceberg qui a montré qu’une mesure intelligente de l’efficacité au travail des personnes peut être dévastatrice. Particulièrement si on a le « courage » de regarder en face et en perspective la productivité réelle de chaque poste de travail.
Confinement, travail à distance et les divers artifices financiers qui ont permis de maintenir peu ou prou les revenus du travail ont, plus qu’à la marge, répandu le sentiment bien paradoxal qu’on peut être payé sans travailler.
Ajoutons la perception – très XIXème siècle – qui veut que le travail soit une forme d’exploitation de l’homme par l’homme ; on consacre, en raccourci, que le travail en lui-même est immoral et inutile.
Ce raisonnement est probablement l’ultime avatar de l’idéologie collectiviste qui a dominé l’étude et l’analyse de la société industrielle.
Le confinement a renversé cette tautologie, d’abord en consacrant l’utilité sociale de travaux qualifiés ou non qualifiés essentiels à la collectivité ; ensuite, à très grande échelle en cassant le lien entre poste de travail et lieu de travail. C’est ici que réside la révolution mentale du numérique, elle modifie le sens donné à l’activité professionnelle, modifie sa relation spatiale; et crée ainsi un fossé culturel profond et nouveau entre nos contemporains.
Les misères des damnés de la terre
La fracture illustrée lors de la dernière élection présidentielle américaine, par les analyses de l’électorat a montré l’étroite corrélation entre urbanité, création de richesse, niveau culturel et vote « coopératif » (Biden-Harris).
Les vieilles mécanisations et automatisations cumulées à l’usage de l’outil numérique et ajoutées au confinement ont désarticulé non seulement la classe ouvrière aux U.S.A. mais aussi dans tous les pays développés. Ceci caractérise aussi l’immense éloignement mental et culturel existant entre classe ouvrière et « classe moyenne inférieure », et le reste de la société éduquée.
Ainsi une frange très importante de la société – entre 35 et 40% – se place dans l’incapacité de saisir sciemment les opportunités de cette nouvelle époque. Elle se terre dans l’incompréhension du monde.
Aussi survit-elle très difficilement en oscillant économiquement entre revenus acceptables et quasi-mendicité. Elle se sent méprisée du fait de son acculturation, voue une haine aux élites considérées comme responsables de ses maux. Sensible aux thèses extrémistes en confrontation avec les populations urbaines, polyglottes, diplômées, prospères ou en position d’accéder à la prospérité, elle se met d’elle-même à l’écart du monde en mouvement. Son isolement est accru par la baisse de son poids démographique dans la société. La disparition des grandes usines taylorisées qui a éliminé la densité susceptible de créer des mouvements sociaux forts y ajoute le sentiment d’impuissance.
Il en va de même dans les activités de service. Le travail à distance expérimenté sur grande échelle du fait de la pandémie se généralise en éparpillant encore plus, sur tout notre globe, les agents administratifs de tous poils et plumes.
Pour couronner le tout il est désolant de constater que dans un réflexe pavlovien d’impuissance archaïque, certains appareils de vieille obédience « marxiste » déclenchent des actions protestataires qui vont « achever » les secteurs économiques fragiles. Cela ne remplumera pas leurs effectifs faméliques et ne nourrira pas les appareils. Sans troupes, privés de références idéologiques, agissant au nom d’un droit des « travailleurs » à s’accaparer une partie des tombereaux d’argent collectif déversés dans l’économie, l’objectif devient simplement nihiliste : accélérer la déconfiture de ce nouveau monde.
Ces pertes de repères sont à la racine des flambées xénophobes qui surgissent particulièrement en occident. Politiquement la délocalisation numérique accroîtra la tendance des ouvriers et employés à se tourner majoritairement vers un vote populiste la plupart du temps d’extrême droite.
La crainte du déclassement, ajoutée au sentiment d’être un objet de condescendance, pousse une multitude vers un entre-soi, insensé, glauque et mortifère pour la société à laquelle elle appartient.
L’angoisse et les dérives sociales, s’aggraveront tant qu’une réponse tangible, articulée et intelligible ne sera pas livrée à l’opinion publique.
Il faut trouver, construire et expliquer des idées politiques nouvelles, démocratiques et applicables.
Administrations podagres
Face à la crise, l’inefficacité des systèmes de santé a été frappante. En particulier ceux des français, britanniques, belges, espagnols, chinois, russes, ou italiens – pour se limiter aux très mauvais.
Au Royaume-Uni, on a particulièrement mis en évidence l’état désastreux du NHS.
Les grandes approximations de l’organisation du système de santé en France, mais aussi en Italie, en Espagne et en Belgique sont en fait le résultat de constructions vieilles et vermoulues nées voici presqu’un siècle.
Toutes les organisations institutionnelles qui ont été depuis trois quarts de siècle le relais et aussi le symbole, d’une vie démocratique tournée vers l’aspiration à l’Etat protecteur, voire providence, sont dans un état de déshérence profonde.
Cela va bien dans la théorie de la « troisième génération ». Ces organisations se sont pérennisées et sont devenues des kakistocraties épuisées par la cooptation, un long « entre soi », un rejet corporatiste des responsabilités et la justification, sans honte, de l’immobilisme et de l’inefficacité : « c’est-pas de notre faute ! »
Une journaliste britannique du Times le disait à sa façon en expliquant que nos démocraties, contrairement à celles de l’Asie ne se donnent plus les moyens de recruter des cadres de bon niveau, compétitifs, bien payés et motivés pour défendre le bien public.
En occident, les agents publics mal rémunérés sont en général mal considérés et sont vus comme les recalés de la réussite sociale. De plus la pente, compréhensible, de l’amertume et une certaine immunité les transforment, souvent à leur insu, en ennemis du système. L’usage discrétionnaire voire illégal de leur pouvoir-même s’agissant de phénomènes isolés, accéléré par les réseaux sociaux, contribue à abîmer profondément leur popularité chez leurs employeurs : les citoyens contribuables.
Au sommet de la pyramide, le personnel politique, peu préparé et peu expérimenté pour l’exercice du commandement doit assumer le rôle clef. Difficile et risqué. La critique et la calomnie, publique, permanente et sauvage des « élites » détournent les meilleurs d’une res publica privée de prestige, d’argent et de reconnaissance sociale.
Par contagion la haute fonction publique est, elle aussi, désertée par ceux qui lui préfèrent des secteurs moins exposés et plus rémunérateurs.
Enfin le personnel d’exécution est aujourd’hui composé la plupart du temps de gens n’ayant pas pu ou su se construire une vie professionnelle gratifiante dans le secteur privé.
Comme chacun sait :
- La valeur intrinsèque de toute organisation se déduit de la compétence de son personnel, de la qualité et la légitimité de son encadrement, de la solidité de sa chaîne hiérarchique et d’une adhésion collective à des valeurs (morales si possible).
- La valeur opérationnelle d’une organisation s’évalue en mesurant son efficacité et sa résilience en période de crise inattendue.
On comprend le fonctionnement tragiquement erratique de nos démocraties. Dans cette dérive, elles n’ont pas seulement perdu l’efficacité administrative, mais surtout son essence, l’inspiration qui permet la mise en œuvre de la loi conformément à son esprit.
L’excellence, le risque et la prestidigitation : la finance d’Etat
Autre paradoxe, sur le plan macro-économique, la réponse des Etats occidentaux aux turbulences de la lutte contre la Covid-19 a été presque parfaite.
Rien de commun avec la gestion de la crise des sub-primes.
Car cette fois-ci face à la maladie toutes les armes financières ont été mises en batterie et utilisées à temps.
Le capitalisme libéral a su amender ses principes. Sans état d’âme, sans se fixer d’autres limites que celles du pragmatisme, il a efficacement paré au plus pressé.
Souvenons-nous, en 2008 la réponse économique fut hésitante, souvent insuffisante, presque toujours tardive. Là, toutes les vannes se sont ouvertes, c’est peut-être plus facile, mais le “quoiqu’il en coûte ” a été bien appris.
Merci M. Draghi.
Pensons cependant à notre océan de dettes perpétuelles bien paisible pour le moment qui se rappellera un jour à notre souvenir.
Tout d’abord en posant la question de la valeur de l’argent, de l’épargne et des actifs. Puis, lorsqu’il faudra penser à relancer la croissance ailleurs que dans les pays en développement convenablement structurés démographiquement.
Enfin, lorsqu’il faudra que les pays développés, presque tous occidentaux, assurent le revenu d’armées d’inactifs surnuméraires dans chacun de leurs pays.
La bonne réponse aura dans l’instant rassuré et épargné les plus faibles, les inquiets et même beaucoup de parasites. Pour autant, la force de la tendance et de la secousse a condamné leur vieux mode de vie.
La vie d’antan ne reviendra pas. Le capitalisme va se durcir. Les protestations individuelles ne vaudront rien face à l’inexorable. Plus tard, venu le temps de la sérénité, l’Histoire comptera.
Au fond, répondre à une crise sanitaire s’avère politiquement plus simple que de répondre à une crise financière ! planche à billets.
Les producteurs dans les incertitudes
L’économie, dans le temps court, ce sont les entreprises. Les variations, les évolutions du marché les affectent dans leur taille, leur valeur et leur existence.
Si la macro-économie crée un océan de dettes pour les soutenir, la survie de toutes et de leurs emplois est loin d’être assurée.
Par exemple, évidence facile, la réduction de la mobilité et la lutte contre les émissions de CO2 réduisent et réduiront mécaniquement et inexorablement la valeur des sociétés pétrolières.
Mais qui du transport routier, ferré ou maritime gagnera ?
La victoire économique par KO n’existe presque jamais, mais cette guerre fait d’abord, toujours plus de perdants que de gagnants ; à la fin une forte destruction de capital avant un nouveau printemps. De tout cela les hommes sortent durement secoués.
Is Winter coming ?
Fin des «plaçous» comme on dit dans le massif central ; ces petites rentes parasitaires qui changent la vie des familles et qui garantissent à l’un ou à l’autre un poste que les espagnols appellent « un puesto amarillo ». Celui qui l’occupe assure aux siens, sans effort, « le fond du panier ».
Dans cela, très faible productivité, mais un peu d’harmonie, au mieux un équilibre social pacifique.
Mais demain petits et grands parasitismes vont être sévèrement remis en cause dans la poursuite d’une économie numérique à vocation verte.
La révolution de l’intelligence artificielle, de la 5G, les gains productivité spectaculaires engendrés par une généralisation du télétravail seront les nouvelles étapes de notre société numérique.
C’est la chance des « thalwegs démographiques » ; ah ! vivre dans le Cantal ! mais aussi la prime à l’exotisme, au soleil, aux paradis fiscaux et à des vies confortables et pas chères.
Enfin, se pose l’interrogation majeure : comment dessiner maîtriser et assumer une politique économique et sociale globalisée de lutte contre le réchauffement climatique ?
En résumé dans un proche futur, le tissu économique va profondément se renouveler. Beaucoup de titulaires de postes de travail ou de savoir-faire vont devoir faire leur aggiornamento personnel, et le cas échéant, changer d’horizon professionnel et de vie.
Les plus faibles, personnels peu qualifiés, titulaires de fonctions sans attaches géographiques, ni utilité sociale immédiate, sont les plus exposés.
Enfin, des gisements de productivité nouveaux sont indispensables pour financer la mutation économique et sociale. Le prix cumulé des guerres, de cette pandémie et les autres crises du demi-siècle passé n’a pas encore trouvé son financement. C’est sûr, un jour il faudra payer.
Seules les sociétés démocratiques de type occidental seront capables de mettre une certaine harmonie dans les mutations nécessaires pour solder ces évènements.
Nous sommes aujourd’hui face à une belle montagne à gravir.
La bonne réponse doit être politique.
Politique idées et gestion de crise
Face à la pandémie, en matière d’efficacité de réaction, on se doit de donner un sérieux avantage aux démocraties extrêmes orientales pas si petites que cela.
En revanche nos vieilles démocraties occidentales ont été moins convaincantes, parfois pitoyables. On pense au Royaume Uni, à l’administration fédérale américaine, à l’Italie, l’Espagne ou à la France.
Regrettable et misérable ; d’autant que les régimes autoritaires ont, de leur côté, parfois pas mal joué.
Comme signalé plus haut, la Covid-19 a révélé la faiblesse et l’aboulie des vieilles institutions étatiques qui depuis un demi-siècle gèrent distraitement des sociétés à bout de souffle et de nerfs, désertées par leurs élites.
Le « Trumpisme » a eu beaucoup de succès parce qu’il a pu à la fois masquer et accélérer les incohérences de la société américaine en glissant sur une situation économique remarquable.
Peu ou pas de chômage, peu d’impôts ; de beaux profits consolidés par la puissance impériale dans le paradoxe de l’isolationnisme.
Je suis de ceux qui n’y voient que des succès tactiques mais pour le grand nombre, ceux qui ont construit leur vie sur cette imposture, que dire ?
Quelle angoisse !
Gérer, commander, susciter, Inspirer
Comme toujours le poisson pourrit par la tête
Nous avons évoqué la grande misère de l’Etat profond et de ses Apparatchiks. Embrasser une carrière dans l’administration ou la politique n’est plus aujourd’hui un signe clair de réussite sociale. Au contraire, l’opinion, qui considère qu’on y accueille les recalés de la globalisation, les voue aux gémonies. En tant qu’institutions ils suscitent une antipathie largement imméritée mais dévastatrice en matière d’exercice de l’autorité.
C’est une autre conséquence de la faiblesse des systèmes éducatifs et de la panne des « ascenseurs sociaux ».
Mais c’est bien l’humanité et ses passions qui ont montré leurs faiblesses. Non seulement pour la chair de pangolin, mais aussi dans la réponse à la peur, celle des autres, celle de la mort, celle du virus !
Une vraie peste cette humanité surpeuplée et prédatrice !
Ici le réchauffement climatique n’y est pour rien, seule cette action compulsive, qui procède d’une démographie galopante, est à incriminer.
Le faible nombre de victimes engendré par ce coronavirus sera sans effet sur la multitude ; les victimes seront oubliées dans les jours qui suivront les campagnes vaccinales.
Il faut donc maintenant, absolument marquer un Nord ; affiner une pensée utile et pratique pour faire face aux défis de ce nouveau monde.
Il faut dessiner des valeurs qui vont permettre de construire la démocratie 2.0.
- Engager une lutte claire, efficace et pragmatique contre le réchauffement climatique (la solution est dure d’application mais simple de conception).
- Construire une protection réelle de la vie privée.
- Assurer une promotion de la vraie connaissance, du savoir « des lumières » libre du politiquement correct.
Un bon équilibre climatique fondé sur la connaissance doit être conçu. Il doit être la résultante de politiques multilatérales dotées d’objectifs et de moyens définis. Ses conséquences économiques, politiques, stratégiques et sociales doivent être analysables, analysées et largement prévisibles.
Le choix simple entre décroissance ou croissance organisées ne doit pas être capté et manipulé par Greta ou les khmers verts.
Une société numérique dans laquelle la liberté individuelle n’est pas celle des GAFA mais fait partie du contrat social.
La vie privée, les données, les goûts, les choix personnels et intimes, doivent être protégés et garantis. En un mot, la vie privée doit être « murée » suivant la tranchante formule de Royer Collard.
Ce siècle est dénué de pensée politique articulée cohérente et globale.
Il y a cent cinquante ans le manifeste du parti communiste livrait analyse et perspective d’un rapport de force dynamique, il introduisait aussi une certaine morale. Accompagné d’une analyse rationnelle, il a tracé un « horizon indépassable de la pensée » derrière lequel on a très vite découvert des charniers et des apparatchiks.
Heureusement cette vision rationnelle et déterministe de la vie sociale métastasée dans la pensée économico politique a à peu près disparu depuis la chute du mur.
La constitution de notre société numérique est une des dernières séances de « chimiothérapie » idéologique qui écartera le collectivisme de la liste des solutions qui peuvent régir la vie.
Ce constat de décès établi, on mesure la pauvreté de notre pensée contemporaine.
Les thèses de Fukuyama, d’Huntington, de Piketty et de quelques autres ne vont volontairement pas au bout des choses. Elles ne se donnent d’ailleurs même pas pour ambition d’embrasser tous les sujets.
Nous sommes en quête de celles ou ceux qui proposeront cette démocratie de liberté numérique 2.0.
Des réflexions globales de ce type accompagneraient l’humanité dans ce monde contemporain dont la construction a commencé voici un demi- siècle. Sans elles, ce monde aura en l’état actuel peu de chances de survivre à nos enfants.
L’enjeu du jour est bien le suivant : éviter que nos petits enfants meurent grillés, sans qu’ils puissent profiter, comme nous, des sagesses de l’Antiquité, des vibrations du Moyen-Age, des subtilités de la Renaissance, du génie des Lumières, de l’esthétique des XIX et XXème siècles sans pour autant souffrir de leurs inhumains excès.
Il faut réfléchir dès aujourd’hui ; vite.
Il incombe à « l’élite » – celle de Marc Bloch – du temps présent, de construire une pensée politique qui répondra aux interrogations de notre monde.
Par prudence, pour éviter bûchers et autodafés gardons à l’esprit combien les intellectuels sont souvent les thuriféraires de pensées malsaines construites pour exercer un pouvoir sur les autres.
Benjamin Constant disait à peu près ceci : « tout le pouvoir au peuple veut dire la pire des dictatures contre le peuple ».
Il faut se souvenir que les sages comme Raymond Aron ou Arthur Koestler ont été proscrits et menacés pour de simples raisonnements ou constatations.
Il faut se souvenir que les « lois de la gravité » s’appliquent aussi à l’économique et au social.
Il faut se convaincre enfin que le « complotisme » est le sport des impuissants et des faibles, qu’il est une ruse qui vise à décourager et éliminer les femmes et les hommes de bien qui pensent et luttent pour un monde meilleur.
Courage.
Pierre Brousse
Paris le 6 décembre 2020