Le total mondial des budgets de défense dans le monde a nettement dépassé les 2000 milliards de dollars en 2021. Partout la course aux armements a été relancée et cette tendance est évidemment accélérée, en 2022, après l’attaque de l’Ukraine par la dictature russe. Depuis des mois on voit se succéder les annonces concernant de nouvelles armes, de plus en plus sophistiquées, de plus en plus destructrices, de plus en plus menaçantes. Le régime de Vladimir Poutine a multiplié les déclarations à ce propos et affiche tous les jours les discours les plus violents sur ses capacités de destruction massive, n’hésitant pas à plastronner à propos des quelque 200 secondes nécessaires à ses missiles hypersoniques pour atteindre et raser Paris, Berlin ou Londres. Il rejoint en cela, notamment, les discours récurrents du dictateur nord-coréen qui met en scène en permanence d’invraisemblables capacités nucléaires, sous la haute bénédiction de la Chine, pour pérenniser son régime devenu dynastique. Voici revenu le temps des parades militaires monstres destinées à exalter l’enthousiasme patriotique et l’esprit guerrier pour faire oublier aux populations la tyrannie des régimes qui les manipulent.
L’axe des totalitarismes, Russie et Chine en tête, suivi par tous les régimes autoritaires tels ceux des pays du monde arabo-islamique, voit se renforcer la militarisation systématique et le discours de l’affrontement. Les raisons de cette relance sont évidemment multiples et diverses selon les pays, leur localisation et le contexte régional dans lequel ils se situent. Mais la raison principale est la volonté des pays totalitaires d’affronter et de vaincre les pays de démocratie libérale et les valeurs qu’ils portent. La décision d’entrée en guerre de la Russie contre l’Ukraine qui souhaite rejoindre le camp des démocraties libérales européennes, est la manifestation la plus récente de cette volonté. Cet énorme effort militaire qui s’inscrit aujourd’hui jusque dans l’espace, avec les projets sino-russes de station orbitale et de base permanente sur la lune, génère évidemment, des réactions dans les pays occidentaux. La forte baisse des dépenses militaires qui avait suivi la fin de la guerre froide et les espoirs de paix que cette situation portait, est interrompue et tous les pays occidentaux relancent leurs investissements de défense face aux menaces territoriales, idéologiques et géostratégiques que font courir les pays totalitaires. Tant la Russie que la Chine développent leur influence territoriale partout où elles le peuvent, Europe de l’Est, Proche-Orient, Afrique, Amérique Latine, Océan Pacifique, comme le montre par exemple la pression chinoise sur les Iles Salomon et sur d’autres archipels.
Cette fuite en avant dans des dépenses militaires multipliées au moment où l’on sait l’ampleur des besoins d’investissements civils pour affronter les défis planétaires paraît invraisemblable. Mais personne aujourd’hui n’est en capacité de l’arrêter. L’Organisation des nations unies est totalement mise sur la touche, paralysée par l’alliance des régimes totalitaires pour bloquer tout contrôle.
Le discours de l’universalisme, qui devrait faire pièce à la logique de guerre qui est ainsi développée, devrait pourtant apparaître de manière évidente dans le monde d’aujourd’hui.
Que faut-il, en effet, rappeler en permanence ? Il faut rappeler, d’une part, des valeurs et, d’autre part, la réalité d’un monde désormais globalisé qu’il est indispensable de piloter de manière collective.
Il faut rappeler que tous les individus humains, quels qu’ils soient, quel que soit leur sexe, leur âge, la couleur de leur peau ou leur apparence physique, leur appartenance socio-culturelle, sont porteurs de la même dignité et ont droit au même respect. Que ce qui leur est commun est plus fort que ce qui les différencie. Que ce qui fait leurs joies ou leurs souffrances est identique quel que soit le lieu du monde où ils se trouvent.
Il faut rappeler que tous les humains, lorsqu’ils sont en capacité de s’exprimer sans contrainte, demandent la liberté, la solidarité et la démocratie. Tous les mouvements que l’on a pu observer au cours des années récentes le montrent, dans tous les lieux du monde, de Hong Kong à Cuba, de la Birmanie à l’Ukraine ou à l’Algérie. Seuls les discours de propagande veulent leur faire croire qu’ils souhaitent des parades militaires, des affrontements avec leurs voisins et des conflits sanglants.
Il faut rappeler que le monde est désormais unifié, constamment en inter-relation, les échanges de tous types étant permanents entre toutes les régions de la Terre, les formidables moyens de communication dont nous disposons aujourd’hui ayant rétréci la planète et généralisé le village global même si les régimes totalitaires essaient, par tous les moyens, d’empêcher ces rencontres et de reconstruire des mondes étanches.
Il faut rappeler que l’humanité dispose d’un patrimoine commun unique qu’il soit physique avec son environnement naturel ou qu’il soit le produit de l’activité humaine au long des siècles. Ce « patrimoine commun de l’humanité » que l’UNESCO s’évertue à mettre en lumière et à protéger, doit désormais être défendu collectivement, à l’échelle planétaire. La biosphère est commune à toute l’humanité, la connaissance est commune à toute l’humanité, l’art est commun à toute l’humanité….
Il faut rappeler que les problèmes principaux que nous devons affronter aujourd’hui ne sont pas des problèmes propres à la population de tel ou tel état-nation mais sont des problèmes globaux : rapports entre l’espèce humaine et son environnement naturel, organisation d’un développement collectif équilibré, gestion organisée de la planète.
Et que la seule question qui vaille est bien celle de l’organisation d’une gouvernance mondiale qui soit capable de protéger l’humanité et de préparer collectivement son avenir.
Chaque humain doit ainsi être conscient qu’il est à la fois citoyen du monde, citoyen de son continent et de son pays, citoyen de ses lieux de vie successifs, au long de son existence et qu’il doit gérer ces différentes citoyennetés avec une ambition de défense de l’intérêt général.
Cela ne veut pas dire, bien entendu, une uniformisation totale mais cela veut dire la prise de conscience d’un intérêt général planétaire. La taille de l’espèce humaine et le poids qu’elle fait peser sur la biosphère nécessite une gouvernance d’ensemble indispensable. Prétendre conduire une politique écologique à l’échelle d’un seul pays n’a évidemment aucun sens. Ce qu’il faut aujourd’hui c’est réduire la taille de l’espèce humaine et l’ampleur de son empreinte sur le reste de la nature. Pour cela, il faut décider d’une politique commune, dans la ligne des objectifs du développement durable (ODD) adoptés par l’ONU.
Evidemment, ce discours universaliste paraît totalement utopique à un moment où les idéologies totalitaires ( islamisme radical, communisme ) et les nationalismes identitaires s’affichent de la manière la plus agressive, n’hésitant pas à relancer des guerres que l’on croyait à jamais reléguées dans un passé révolu. Les idéologies anti-libérales et les discours nationalistes fleurissent à nouveau partout, mettant l’accent sur tout ce qui sépare et divise, sur l’affichage d’identités culturelles qui permettent de maintenir des régimes autoritaires qui ne peuvent se poser qu’en s’opposant aux autres, en mettant en scène de prétendues agressions extérieures, en exhibant leurs forces militaires et leurs logiques de guerre.
Pour affronter la conjonction des risques ( climatique, alimentaire, épidémique, militaire, géostratégique…. ) qui peut conduire à une crise systémique susceptible d’être catastrophique pour l’espèce humaine, les démocraties libérales doivent porter le discours des valeurs de liberté, de démocratie et de paix et celui de l’intérêt général de l’humanité.
La France et l’Europe doivent s’inscrire fermement dans cette orientation et ne pas hésiter à affirmer clairement les valeurs qui les définissent face à des régimes autoritaires qui affichent sans vergogne leur volonté de puissance, leur ambition de conquête et qui veulent imposer partout le modèle dictatorial qu’ils ont établi dans leurs propres pays. Il faut tout faire pour que le parti communiste chinois et ses alliés n’imposent pas leur hégémonie totalitaire à l’ensemble du monde en 2049 comme ils ont affiché l’ambition de le faire. L’alliance des démocraties libérales est donc déterminante. Elle doit renforcer ses liens et ses capacités militaires pour défendre partout les valeurs fondamentales qui permettront d’assurer le développement harmonieux de l’humanité.
Jean-François CERVEL