Ce pays souvent fâché avec l’économie peut-il entendre le ressenti des milieux d’entreprise sur la « situation » comme on dit ? Si l’on prête bien l’oreille, c’est la colère qui domine. Et c’est un sentiment totalement légitime. Les dirigeants et leurs salariés ont l’impression de faire leur part de travail, en créant de l’activité, des emplois et des revenus. Tandis que les responsables politiques ne font pas leur part – et font même n’importe quoi.

Dans un monde normal, le rôle des entreprises est de s’occuper de l’économie, celui des politiques est de faire vivre le modèle de démocratie libérale dans lequel nous vivons depuis 1945. Quel bilan après quatre semaines de cette campagne législative accélérée ? Triste : le macronisme a implosé, la démagogie a battu des records, la croissance doit être à l’arrêt et les Français sortiront frustrés de la séquence.

La responsabilité du chef de l’Etat a été suffisamment pointée du doigt pour qu’il soit inutile d’y revenir encore. Cherchait-il à lever l’hypothèque du RN en l’installant à Matignon pour trois ans et lui bloquer la route de l’Elysée en 2027 après l’épreuve du pouvoir ? Non, à en croire la stratégie de l’entre-deux-tours, avec la multiplication des désistements et le scénario baroque d’un Front Républicain allant de LFI à LR en passant par le PC.

Depuis le 9 juin, les vérités de la partie la moins reluisante de la classe politique sont apparues au grand jour. Côté RN, c’est la Russie qui lui apporte officiellement son soutien mercredi. Ce sont les profils racistes de certains de ses candidats qui sautent aux yeux. Côté Nouveau Front Populaire, c’est la candidature d’un fiché S. On en est donc là : qui a le plus de raisons d’avoir peur en France en 2024, les juifs ou les noirs et les immigrés ?

Les sondages et les projections en sièges doivent être accueillis avec prudence. Il n‘en reste pas moins qu’une situation de blocage est possible, personne ne pouvant constituer de majorité. Qui peut penser qu’un gouvernement technocratique tiendrait jusqu’à la prochaine élection présidentielle et en tout cas la préparerait bien ? Le budget 2025, pour ne parler que de cela, ne peut être vide de tout contenu…

Le message des électeurs du RN doit bien sûr être entendu. On est désormais loin de la seule image de la voiture-balai des nostalgies et des frustrations dont parlait Bernard Tapie en 1990. Depuis, le score des Le Pen est passé de 10 à 33 %. Déclassement du monde rural par rapport aux villes, inflation, insécurité, immigration, c’est un faisceau de facteurs qui jouent.

Mais une chose est absolument certaine : seule la croissance permet de distribuer du pouvoir d’achat et de le redistribuer. Et l’économie a besoin de stabilité, pas de désordre politique.