Il n’ y a rien de plus agaçant, de plus urticant, de plus horripilant, de plus ridicule, de plus misérable, de plus sinistre, parfois de plus indigne que ces Trissotins de la pandémie, ces « flowers child » des marchés humides, ces Curnonsky du pangolin et de la chauve souris, ces Vadius du bon cadencement du confinement et du port du masque, ces apôtres de la religion ou de la gnose du test épidémiologique, ces donneurs de leçons Panglossiens, ces cheerleaders ou détracteurs de l’OMS, en anglais WHO ( prémonitoire ?).
Tous ces gens n’ont en général pris dans leur vie d’autre décision importante que celle qui consistait à choisir le modèle, parfois la couleur de leur prochaine voiture ; ou, pour Elles de savoir si elles devaient « vamper » leur voisins ou Eux séduire la voisine.
Ce crétinisme pathétique attisé par les réseaux sociaux fait malheureusement beaucoup d’ombre à ceux qui se battent et qui décident dans un combat pour l’essentiel, à la fois ancillaire et universel.
L’humanité est constituée en grande majorité de personnes adverses à toute décision et toute exposition personnelle. L’intelligence est un facteur aggravant de l’aboulie, plus elle est grande plus elle suscite des ruses vers la non décision.
L’arrogance imbécile de ce « giletjaunisme » de la zoonose est probablement le plus grand risque couru par l’humanité dans l’invention du « jour d’après ». Heureusement, le confinement d’un tiers ou d’une moitié de l’humanité s’accompagne d’une prise de conscience chez ceux qui réfléchissent.
Demain sera et devra être différent dans tous les domaines de la vie ; les relations sociales, politiques et environnementales, économiques financières, artistiques etc… .
Dans l’espace personnel, on pressent pour l’avenir des sociétés recentrées sur des « circuits courts » et les tâches à distance ; et sur le plan international, comme le disait un ministre des affaires étrangères français, on redoute « le même monde qu’hier mais en pire ».
Ce sentiment se développe dans le paradoxe classique qui veut que malgré la conscience d’un futur qui doit être nécessairement différent d’hier, beaucoup de nos contemporains continuent à l’envisager à l’aune de leurs convictions antérieures.
Ces dernières, bien loin d’être ébranlées par le cataclysme, sont hélas réaffirmées voire hystérisées.
Pour le plaisir, je vous offre un petit florilège de ce qui est dit ou fait dans la rue, sur les réseaux sociaux, dans la presse, dans les déclarations et les débats :
- Il faut revisiter les réglementations du travail, mais les fonctionnaires déposent de « légitimes » préavis de grève.
- Il faut consommer moins d’énergie mais réindustrialiser l’occident et doper la croissance.
- Il faut augmenter les impôts, taxer le capital et les riches ; financer les pertes « Covid » et la relance économique par l’endettement et déclarer que rembourser la dette du passé n’est pas une perspective acceptable pour les générations futures.
- Il faut augmenter les bas salaires et fermer les frontières ; rapatrier les fabrications de base mais développer nos exportations d’avions et de haute technologie.
- Faire prendre en charge, la collectivité, la dépendance mais confiner les vieillards ad aeternam.
Yin et Yang, aucune de ces propositions n’est sotte en elle-même, cependant on saisit nettement que le juste milieu est et sera inaccessible ou inacceptable .
Le monde devra trancher ; décider.
Les démocraties seront toujours plus faibles dans la construction du consensus minimum nécessaire. Si elles le trouvent (je suis sûr que sur la durée ce sera le cas) elles l’emporteront sur les dictatures ou les régimes autoritaires qui comme en Russie, en Chine, en Hongrie, en Turquie, en Corée du nord, en Iran ou au Venezuela n’ont pour seul objectif que de maintenir le pouvoir entre les mains de personnes, de coteries, voire de familles.
Le vieux face à face des peuples avec leurs institutions dirigeantes est devant nous, à nouveau.
Dans l’histoire de l’humanité peu de générations ont eu à affronter une question comme celle qui nous est posée par cette pandémie. Non pas, pour le moment, du fait de sa létalité, mais pour le choc qu’elle fait subir aux vies quotidiennes et donc aux conséquences sur la rationalité de l’organisation de la société mondiale.
Ce qui précède se veut une humble observation devant les nombreux écueils qui affleurent déjà la surface des analyses et raisonnements.
En Sciences Sociales l’absence de vérité expérimentale permet de savoir que la vérité que l’on énonce est le plus le plus souvent sa propre vérité, en sachant que la vérité absolue n’existe pas.
Aussi avant d’entrer dans le vif du sujet : que faire ? il est un préliminaire qu’il faut régler, même s’il est vain, en posant les questions suivantes :
– y-a-t ’il des responsables du désastre ?
– s’il existent que doivent-ils payer ?
– peut-on les faire payer ?
La nervosité de la communication chinoise sur le sujet, comme la vague parallèle, vindicative, qui monte en Europe et aux USA montre que le déclenchement et la gestion de la pandémie constituent le point politique de départ du débat concernant les enseignements de la pandémie.
Dans la catharsis médiatico-diplomatique qui s’annonce, le résultat de la purge « idéologique » s’il y en a une, sera, pour le futur un des marqueurs principaux qui va déterminer discours et action politique.
La discussion est tout d’abord technique. Comme toujours elle tourne autour de faits, de leur interprétation, de sous-entendus, voire des thèses complotistes qui s’y rattachent.
Cependant ici tout est assez simple, au moins au début.
L’existence de marchés humides, c’est-à-dire d’étals de rue, nombreux, qui accueillent dans des conditions d’hygiène déplorables des animaux vivants, appartenant à des espèces différentes qui se rencontrent peu ou jamais à l’état de nature ; qui mélangent des animaux à patrimoines génétiques paradoxaux, comme les chauves souris, sont, nous le savons depuis toujours, le point de départ des zoonoses.
L’existence de ces marchés est en elle-même coupable. Elle prouve une lourde et répétée carence de politique publique chinoise. Elle jette le blâme sur les autorités responsables de la politique sanitaire, et compte tenu de l’importance du dommage créé, il va de soi qu’elle relève de la responsabilité de l’Etat chinois. Au delà du PCC et de son génial leader à vie le président Xi.
A ce stade du raisonnement, la responsabilité de l’Etat chinois n’est engagée que vis-à-vis de son peuple.
Mais, en ayant voulu étouffer l’affaire, en muselant des médecins lanceurs d’alerte, en diffusant aux pays tiers des informations incomplètes ou inexactes sur le virus , sa morbidité, le nombre et les caractéristiques des victimes etc… le gouvernement chinois a commis une série de fautes qui ont entraîné, compte tenu de la « globalisation » et du crucial facteur temps, des victimes dans d’autres pays.
La Chine a ainsi causé préjudice au Monde ; c’est bien la Chine qui en assume seule la responsabilité initiale, son coût humain et ses conséquences économiques collatérales.
Juridiquement, elle doit réparation.
Que disent en cette matière le droit international et les règles multilatérales ? Il existe des bases jurisprudentielles et doctrinales établissant un droit exécutable à indemnisation. Cependant, même si les principes universels qui régissent la communauté internationale penchent pour la légitimité d’une telle indemnisation, il ne faut pas rêver cela n’arrivera jamais. La Chine qui ne respecte pas le droit international en Mer de Chine, ni les principes de la Charte des Nations Unies au Xinjiang et au Tibet n’indemnisera personne pour un préjudice très complexe qui se chiffre en trillions de dollars US.
Néanmoins il est bien certain que la poursuivre, sur sa responsabilité souveraine, est pour l’occident un mouvement tactique habile au moment ou elle proclame urbi et orbi, sa volonté d’hégémonie sur le monde, justifiée par l’excellence de son modèle politique.
En fait partie, l’appel adroit du Président Macron, qui, la main sur le cœur, appelle à l’annulation de la dette africaine. Ce qui nous coûtera, à nous occidentaux, quelques milliards contre plusieurs centaines pour la Chine.
Pour nous européens, vassaux rétifs des USA depuis un siècle, il va de soi qu’une opposition entre Sparte et Athènes nous convient.
Le jeu de balance du troisième larron, à la recherche d’une nouvelle et complète souveraineté est une figure classique.
Les britanniques ont divinement joué cette partie vis-à-vis de nous les continentaux aux XVIIIème et XIXème siècles.
Ce jeu n’est néanmoins pas aisé car il requiert une convergence politique claire et forte des grands pays européens. La convergence d’analyse stratégique entre France et Allemagne pèche hélas sur le fond et sur le rythme.
Plus diaphanes mais équivalentes sont les mains de l’ Inde et du Japon.
La Russie jouera des cartes calibrées, ciblées et agressives – probablement un peu au dessus de ses moyens – mais continuera un jeu dur tant qu’on ne l’arrêtera pas brutalement.
Les britanniques post brexit sont capables, sur le long terme, avec très peu de moyens mais une forte cohésion interne de se remettre sur les sentiers Elizabethains et Victoriens.
Bref la partie sera longue, âpre, subtile et incertaine, mais se jouera très certainement entre ces joueurs et quelques électrons libres supplémentaires: Corée, Iran,Turquie.
L’esprit du multilatéralisme de l’après deuxième guerre mondiale aura vécu.
Nos peuples et nos opinions publiques ont-ils le souffle pour un tel exercice historique ?
Notre passé européen récent conduit à en douter. Mais ce doute sur l’aptitude à la rénovation, soit condamne d’emblée l’entreprise elle-même, soit nous oblige à subir un nouvel ordre qui nous serait imposé par la peur et l’animalité.
Nous n’avons le choix qu’entre soumission et imagination.
La soumission n’est pas acceptable, il faut donc agir et réfléchir. Notre guerre est à conduire dans cet ordre. Comme le disait Clauzewitz la guerre est d’abord un exercice intellectuel.
Acceptons une première référence empruntée au passé.
Après la grande peste (1347-1352) la perte de prestige et de confiance dans l’Eglise a été abyssale, beaucoup parce que le clergé à été plus frappé que la population ; (certains ordres réguliers charitables perdant jusqu’à 90% de leurs effectifs).
Que penser de Dieu si Dieu ne protège même pas les siens ? disait le peuple.
A l’inverse les fonctionnaires moins affectés parce que mieux protégés, ont gagné en impopularité et miné le consentement à l’impôt, important en période de guerre.
Les deux piliers de la société, l’Eglise et l’Etat se sont abîmés en même temps, pour le même mobile, observé depuis deux angles opposés.
C’est un péril similaire qui nous menace.
Là encore, le vain doute, les références fausses, les vérités spécieuses colportées par des petits esprits, médiocres et aigris de tout poil, sont criminels pour l’intérêt général .
Ils sont la vraie sape de la cohésion de l’humanité.
Dans l’univers comme sur un bateau, au poste de combat comme au poste de manœuvre chacun joue un rôle unique et essentiel pour les autres.
Souvenons nous en.
Branle bas !
Pierre Brousse
Paris, le 24 avril 2020